Entretien avec Cristina Fülop, psychologue clinicienne spécialisée dans les thérapies cognitives et comportementales. Couples, relation mère-enfant, minorités sexuelles, petit tour d’horizon des tendances du moment…
Quelles évolutions majeures avez-vous observé dans les relations amoureuses en Roumanie sur les dix dernières années ?
Ce que j’ai pu constater dernièrement auprès de mes patients, pour la plupart des intellectuels qui gagnent plutôt bien leur vie, c’est que de nos jours, l’infidélité est presque devenue monnaie courante. Et plus le temps passe, plus la tendance est de prendre le concept de couple à la légère. De plus en plus de partenaires considèrent l’infidélité comme une solution à leurs problèmes. On vit au sein d’une société qui nous propose une multitude de choix et, du coup, on extrapole cette diversité à notre couple en minimisant les conséquences de l’infidélité.
La mère roumaine est particulièrement proche de son enfant, parfois trop selon certains spécialistes. Est-ce votre avis ?
Oui. La mère roumaine est hyper protectrice et obsédée par le contrôle. Une véritable mère-poule qui fait de ses enfants sa principale préoccupation, qui s’implique activement dans tout ce qui sert à leur épanouissement, mais dont l’attitude envahissante porte souvent préjudice à leur évolution, notamment à celle des garçons. La protection maternelle excessive s’associe toujours avec de la dépendance émotionnelle, les garçons cherchent alors le même modèle chez leur partenaire, ce qui devient très vite une source de conflits au sein d’un jeune couple. En Roumanie, non seulement les mères mais les femmes en général sont hyper protectrices et aiment tout contrôler, parfois même en dehors de leur famille. On a, par exemple, des femmes qui maternisent leurs collègues de travail. Quelque part, on a affaire à une figure féminine qui veut être à la fois princesse et chevalier, et qui place stratégiquement toute la famille sous son aile.
Les minorités LGBT+* sont-elles davantage acceptées ?
À la différence d’il y a dix ans, ces personnes assument plus facilement leur appartenance non seulement en cercles restreints, mais également au sein de la société. Une particularité de notre époque est l’incidence accrue des adeptes de la « pansexualité », une orientation sexuelle caractérisant un individu qui peut être attiré, sentimentalement ou sexuellement, par un autre individu de n’importe quel sexe ou genre. On observe cette tendance notamment chez les adolescentes. Une potentielle explication serait la dégradation de la figure masculine au sein de la société roumaine. Tributaire dans un premier temps du modèle balkanique de protagoniste déterminé, courageux et plein d’initiative, l’homme roumain a eu tendance à perdre de ses prérogatives sous l’influence d’une partenaire de plus en plus omnipotente. Du coup, le père dont le rôle est de défendre la famille se voit parfois détrôné de ses fonctions par une mère qui devient la principale figure protectrice, tout en restant vulnérable. Face à cette réalité, de nombreuses adolescentes se disent qu’elles n’auront pas besoin d’homme dans leur vie.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.
* Lesbiennes, gay, bi, trans et autres minorités sexuelles.