Entretien réalisé le mardi 31 janvier dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Réunis à Montréal en décembre dernier, plus de 190 pays sont parvenus à un accord « historique » pour sauver la biodiversité de la planète. Comment la Roumanie est-elle concernée ? Explications avec Cristian-Remus Papp, expert en aires protégées au sein de la branche locale du Fonds mondial pour la Nature (WWF)…
Que prévoit l’accord de Montréal, et que cela implique-t-il pour la Roumanie ?
L’accord a lancé un appel ferme à mieux préserver la biodiversité, alors que nous assistons à un déclin majeur, sans précédent, dû à l’activité humaine. Les signataires se sont engagés à protéger 30% des terres et des mers de la planète d’ici 2030. En Roumanie, la surface protégée s’élève actuellement à 24,7%, il nous faudrait donc protéger 5% supplémentaires, et désigner 10% du territoire comme zone sauvage. Cela posera un problème, à moins de mettre en place des mécanismes pour que les propriétaires des terres visées ne soient pas affectés. Car tant que les pertes ne seront pas compensées, les communautés locales ne verront pas d’un bon œil la protection de l’environnement. Je prends le cas d’un propriétaire de forêt qui ne pourra pas couper du bois pour se chauffer l’hiver parce que son terrain fera partie d’une zone protégée. Il appartiendrait à l’État de l’indemniser, mais malheureusement, ce n’est toujours pas le cas, plus de quinze ans après l’entrée dans l’Union européenne. Nous avons donc des lignes directrices à suivre et sommes appelés à changer les politiques en la matière ; mais comment faire dès lors que la Roumanie ne dispose pas en ce moment d’une stratégie nationale visant la biodiversité, et que les stratégies adoptées par le passé n’ont jamais été mises en œuvre.
Quelles sont les principales menaces à l’adresse de la biodiversité ?
Je citerais notamment la diminution et la fragmentation des habitats naturels, l’intervention de l’homme dans l’habitat des animaux et des plantes, les changements climatiques et la pollution. Tous ces problèmes devraient être combattus de manière systématique et coordonnée, afin d’aboutir à des avancées réelles. Je mentionnerais également la nécessité d’avoir un meilleur système d’aires protégées. En Roumanie, l’agence nationale qui gère actuellement ce domaine est sous-financée et en sous-effectif, ce qui rend sa tâche difficile sinon impossible.
Malgré tout, la biodiversité est-elle plus riche en Roumanie qu’ailleurs en Europe, comme l’a plusieurs fois dit le prince Charles, actuel roi du Royaume-Uni ?
Elle est en effet plus riche en Roumanie que dans les pays d’Europe de l’Ouest, où le développement socio-économique accéléré a largement détruit la nature. Si l’on compare la Roumanie à des pays plus petits et plus « sauvages », comme l’Estonie ou la Slovaquie, nous sommes à peu près au même niveau. Et si l’on regarde les effectifs des différentes espèces, la Roumanie se porte même mieux car elle est plus grande. Par ailleurs, le rapport entre les zones de montagnes, de collines et de plaines est à notre avantage, les habitats étant plus divers et plus vastes. Ces derniers sont toutefois soumis à des pressions et des menaces grandissantes. La surface des zones sauvages rétrécit tandis que l’homme est de plus en plus présent. Du coup, la faune doit soit s’adapter, soit en subir les conséquences. Malheureusement, ces derniers temps, nous assistons à une multiplication des conflits entre l’homme et les bêtes sauvages. La construction de maisons en marge des forêts, les déchets non ramassés qui attirent les animaux, le nombre croissant de touristes, ou encore les photos destinées à immortaliser la présence d’animaux ne font qu’endommager un équilibre qui existait encore il y a vingt ou trente ans.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.