Entretien réalisé le mardi 25 avril dans l’après-midi, par téléphone et en roumain (depuis Eindhoven aux Pays-Bas).
Physicien et chercheur au sein d’une multinationale néerlandaise, Cristian Presură se penche sur l’exploration spatiale et la fascination qu’elle suscite…
Pourquoi l’exploration spatiale est-elle importante ?
L’autre jour, quelqu’un m’a dit que cela ne l’intéressait pas si la Terre était plate ou ronde, qu’il avait ses affaires et sa maison, alors pourquoi devrait-il se préoccuper de l’espace ? Pour nombre d’entre nous toutefois, il est important de savoir où nous habitons, où nous avons atterri. Et nous cherchons des informations là-dessus. Nous sommes intéressés par des choses lointaines, comme les galaxies et les trous noirs qui ne nous touchent pas directement, car nous voulons savoir ce qu’est l’univers. Il existe une soif de découvrir ce qui se trouve au-delà de notre village ou des collines qui nous entourent, une fascination pour les frontières de la connaissance et un désir d’apprendre des choses que jusqu’à récemment personne ne connaissait. Beaucoup de gens sont heureux d’appartenir à un mouvement qui partage cette curiosité et de vivre une période marquée par de telles découvertes.
Quand vous avez commencé à travailler dans ce domaine, vous attendiez-vous à des avancées aussi rapides ?
Au début, je n’avais pas trop d’attentes à cet égard, la découverte de l’espace a toujours dépendu de l’évolution de la technologie. Cependant, mes attentes ont vite été dépassées. Par exemple, dans les années 1990, on commençait à peine à parler de l’expansion accélérée de l’univers, elle a depuis été confirmée par les chercheurs. Pareillement, je ne m’attendais pas à voir de mon vivant la détection des ondes gravitationnelles, et voilà que cela est arrivé, ce qui a valu le Prix Nobel de physique à ceux qui les ont mises au jour (en 2017, ndlr). Tous les ans, de nouveaux exemples s’ajoutent, démontrant l’ingéniosité des chercheurs. Ce n’est pas qu’ils regardent tout simplement le ciel et découvrent de nouvelles galaxies. Ils construisent des instruments de plus en plus performants, fruits de l’évolution rapide de la technologie.
Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’on dépense trop pour la conquête de l’espace alors qu’une grande partie de la population du globe vit dans la pauvreté ?
Il s’agit en effet d’une critique légitime car, il faut l’admettre, beaucoup de choses sur Terre devraient être corrigées. J’ai néanmoins trois réponses à cette remarque. La première est d’ordre politique : j’aimerais moi-même que les gouvernements investissent davantage pour remédier à ces problèmes, mais ils ne le font pas. D’ailleurs, les fonds consacrés à la science sont eux-mêmes très en deçà de ceux gaspillés pour toutes sortes de choses peu utiles. Ces allocations sont souvent inférieures aux budgets consacrés à la défense, par exemple. Deuxièmement, il faut souligner que les investissements dans la science spatiale aboutissent à des avancées technologiques que nous utilisons sur Terre. Quand nous développons des photodétecteurs destinés aux télescopes optiques spatiaux, cette technologie sera par la suite utilisée pour fabriquer des caméras plus performantes. Et, troisièmement, je dirais que malgré les problèmes que nous rencontrons sur Terre, nous ne devons pas délaisser notre âme, mais plutôt continuer à investir une partie de nos ressources dans l’art, la littérature, ou l’exploration spatiale. Une partie de l’argent consacré à la découverte spatiale permet d’obtenir des images de l’espace. Beacuoup de personnes s’émerveillent en les regardant, ils éprouvent la même joie qu’en lisant un poème.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.