Entretien réalisé le lundi 31 janvier, réponses reçues par mail et traduites du roumain.
En 2022, l‘inflation restera élevée partout principalement en raison des prix de l’énergie, estime l‘économiste Cristian Păun, professeur à l’Académie d’études économiques de Bucarest (ASE). Dans cet entretien, il rappelle que seuls les gouvernements et banques centrales ont la capacité de contrôler ce dangereux phénomène...
La Roumanie fait partie des pays de l’UE dont l’inflation a été la plus élevée en 2021 : 8,2 % sur douze mois, en grande partie à cause de la hausse des prix de l’énergie. À quoi peut-on s’attendre cette année ?
Concernant les prix du gaz et de l’énergie en général, la situation ne pourra s’améliorer qu’avec des investissements massifs dans de nouvelles capacités de production. Ceci étant, nous avons libéralisé le marché de l’énergie sans avoir suffisamment réfléchi aux conséquences, dans un contexte où il n’y a que deux producteurs de gaz en Roumanie, dont le plus important est l’État. De plus, nous avons du gaz inexploité en mer Noire, et peu d’espoir que quelque chose se passe de ce côté-là dans un avenir proche. Or, l’inflation est une conséquence directe des tarifs de l’énergie, essentielle à toute production. L’énergie est le sang de l’économie. Une économie ne prospère pas et ne peut se développer sans une source d’énergie constante, bon marché, accessible, et sans un marché de l’énergie fonctionnel, libre et indépendant de toute influence politique. Par ailleurs, on assiste à une augmentation générale des prix en raison de la hausse du coût de tous les composants et ressources à l’échelle mondiale. Les chaînes de production et d’approvisionnement sont massivement perturbées, des produits les plus simples aux plus complexes. La crise des semi-conducteurs est très représentative du phénomène.
Les années qui viennent seront probablement dominées par ce type d’instabilités difficiles à tempérer, avec des déficits croissants qui plomberont l’action gouvernementale. À mon sens, un repositionnement de l’économie mondiale et une révision du modèle de développement actuel sont nécessaires. Aujourd’hui, ce modèle repose presque exclusivement sur une production basée dans un seul endroit, la Chine. Or, nous voyons désormais les limites de ce modèle erroné et risqué.
Pour revenir à l’inflation, elle pourrait se transformer en une spirale dangereuse avec encore plus d’inflation sans l’intervention judicieuse des gouvernements et des banques centrales. Ces dernières ont d’ailleurs déjà augmenté les taux d’intérêt afin de refinancer les banques commerciales. C’est un signal clair que la période des taux d’intérêt négatifs est révolue. Le problème est que cette hausse des taux d’intérêt limitera l’investissement et augmentera le coût du financement des déficits. Si les gouvernements, y compris celui de Roumanie, ne comprennent pas qu’il est temps de modérer un peu leurs dépenses et de laisser davantage la place aux investissements privés, on assistera à une aggravation de la situation et à une prolongation de la crise de l’inflation.
Dans un tel contexte, comment protéger son épargne ?
La première forme de protection viendra de la réponse des banques centrales qui ont déjà relevé leurs taux d’intérêt. Et cela continuera dans les mois à venir. Pour la population, les moyens de se protéger contre l’inflation sont très limités. Surtout pour ceux qui ont de faibles revenus.
Comment la consommation et les investissements seront-ils affectés par cette forte inflation ?
La hausse des prix va calmer la consommation, cela se voit déjà. Les gens renoncent à certaines dépenses non nécessaires. Autrement dit, ils consomment moins, et des produits de moins bonne qualité. Du coup, la production devra s’adapter rapidement à ces changements. Il y aura des pertes dans les secteurs où l’on assiste déjà à des réductions et à des ajustements. Les premiers touchés sont les services, malheureusement aujourd’hui dominants en Roumanie. Ce ne sera pas une période facile et nous devons être très prudents, d’autant plus que la production devra s’adapter à la hausse des prix du gaz et des carburants que nous avons mentionnée. Les défis sont grands, le niveau d’attention doit être maximal. Je recommande la prudence et la sagesse dans la prise de décisions pour tous, consommateurs comme investisseurs.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
À lire ou à relire, notre précédent entretien sur la situation énergétique en Roumanie (22/01/2022) :