Entretien réalisé le vendredi 11 février dans l’après-midi, en français et via zoom (depuis Iași).
Cristian Oroşanu est le chef d’orchestre permanent de la Philharmonie de Brașov. Habitué des grandes scènes nationales et internationales, il est aussi à l’origine de divers projets tels que l’Orchestra’s conductor competition. Rencontre avec un passionné de « l’acte musical »…
À quel moment de votre carrière vous situez-vous ?
Au milieu (rire)… Ce que je peux vous dire est que je n’ai plus ces envies de jeunesse de faire une carrière éblouissante, de voyager partout dans le monde. Le plus important aujourd’hui pour moi est de me concentrer sur l’acte musical en lui-même, sur la qualité de ce que je fais. Depuis un an et demi, deux ans, j’ai la chance de travailler avec une équipe fantastique à la Philharmonie de Braşov, et notamment deux pianistes qui s’occupent de la direction de la Philharmonie ; Ioan-Dragoș Dimitriu, arrivé à Braşov avec une énergie nouvelle et une expérience des scènes d’Europe de l’Ouest, et le directeur artistique, le fameux pianiste Horia Mihail.
Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?
Il a évidemment fallu réduire le nombre de musiciens au sein des orchestres symphoniques, beaucoup d’entre eux l’ont mal pris. De mon côté, la période a été plutôt bénéfique, elle m’a permis de me détendre un peu, j’en ai aussi profité pour revoir certains de mes projets, et des notes que je n’avais pas consultées depuis longtemps. Quand j’étais étudiant à Bucarest, l’un de mes professeurs était le grand Constantin Bugeanu. J’ai gardé de lui une dizaine de cahiers, mais je ne les avais pas touchés depuis une trentaine d’années. Ces mois-ci, j’ai pris le temps de le faire, et je comprends désormais mieux ce qu’il a voulu m’enseigner, notamment ce qu’on appelle la phénoménologie dans la musique ; c’est-à-dire aborder la musique, une partition de musique, de la façon la plus simple possible, sans a priori, sans écouter d’enregistrements avant de la lire et de l’interpréter.
Quelle est votre façon de diriger un orchestre ?
Simple, directe, sans fioritures. Le travail le plus important ne se fait de toute façon pas pendant le concert, il se fait avant, lors des répétitions. À mon sens, l’idée est d’essayer de tendre vers un idéal qui voudrait que le chef puisse disparaître au moment du concert. Il y a d’ailleurs certains ensembles en Europe, comme les Dissonances en France, qui jouent sans chef. D’une certaine façon, un chef impose un élément visuel en montrant des choses, alors que s’il n’est pas là, tous les musiciens sont obligés d’ouvrir grand leurs oreilles, d’écouter leurs collègues. Si le travail en répétition a été bien fait, il n’y aura besoin de rien d’autre. De la même façon, un premier violon qui connaît bien ses partitions peut parfaitement mener un ensemble. Ceci étant, je n’irai pas jusqu’à dire que pendant un concert, un chef d’orchestre ne fait que de la représentation. De fait, il y a toujours une sorte de dépendance entre le chef et son orchestre, quelque chose qui les lie à tout moment.
Propos recueillis par Olivier Jacques.