Cosmin Manolescu est chorégraphe et manager culturel. Il explique ici la situation dans laquelle se trouve son secteur en ces temps de crise sanitaire…
Comment envisagez-vous un retour à la normale de la vie culturelle ?
Après une année extrêmement difficile et avec un taux d’infection toujours élevé, il faudrait envisager un véritable plan de relance. Mais pour l’instant, la sécurité des artistes, des travailleurs du secteur culturel et du public est évidemment prioritaire. C’est pourquoi nous demandons un accès aux tests gratuits et au vaccin dès que possible, comme c’est déjà le cas pour d’autres domaines. Malheureusement, les professionnels de la culture ne sont pas considérés comme étant une catégorie essentielle en Roumanie. Concernant le plan de relance, je pense à un soutien financier sous forme de subventions couvrant les frais de location et les salaires afin de redémarrer nos activités, au moins pendant les premiers mois de reprise.
En octobre dernier, le ministère de la Culture a promis une aide d’État d’un montant de 100 millions d’euros. Où en est-on de ce financement ?
Tout au long de ces dix mois de pandémie, quelques projets ponctuels ont été financés par de l’argent public, mais il n’y a pas eu d’aide pour l’ensemble du secteur indépendant. En juin dernier, avec d’autres collègues, j’ai adressé une lettre au ministère de la Culture afin de soutenir les artistes et les opérateurs culturels indépendants. Une première proposition a effectivement été rendue publique en octobre sous la forme d’une aide financière d’État principalement dédiée aux festivals, aux maisons d’édition et aux activités culturelles avec vente de billets. Cette aide intégrait également des micro-crédits pour les autres opérateurs. Un soutien attendu, bienvenu, même avec ses imperfections. Aujourd’hui, ce projet législatif existe, il est en consultation publique. Mais il n’y a pas de calendrier précis pour la mise en œuvre du programme.
Qu’attendez-vous de la société roumaine dans son rapport avec la culture ?
Depuis un certain temps, je n’ai plus d’attentes de la société roumaine ni de sa classe politique. Au cours de ces vingt dernières années, j’ai fait ce que j’ai pu, en tant qu’artiste et responsable culturel. Des campagnes de lobbying, des plaidoyers pour le secteur culturel, des lettres et des pétitions adressées aux hauts responsables afin de créer ou de maintenir divers mécanismes de financement ou des institutions. J’ai protesté à maintes reprises contre le budget trop serré alloué à la culture. Mais il existe une énorme résistance au changement. Nous n’avons toujours pas de politiques publiques cohérentes en matière de culture, les stratégies ne sont presque pas appliquées, et les artistes et travailleurs culturels continuent d’émigrer, à la recherche d’un peu de normalité. Ce secteur restera fragile, en attendant d’hypothétiques réformes. En Roumanie, tant que la culture continuera d’être vue comme non essentielle, elle restera une petite Cendrillon triste, sans prince.
Propos recueillis par Matei Martin.