Constantin Prisecaru est « managing partner » de Sotheby’s International Realty en Roumanie. Ce diplômé en histoire a créé Artmark Historical Estate en 2014, et a racheté cette année la franchise locale de Sotheby’s International Realty. Il marie son amour pour l’art et l’architecture à son expérience dans l’immobilier afin de sauver un patrimoine historique menacé…
Comment le marché de l’immobilier de luxe se porte-t-il ?
La pandémie a modifié les tendances, les propriétés situées dans des endroits plus isolés, en pleine nature, sont devenues attractives. Les gens souhaitent acheter une maison de vacances qu’ils transformeront éventuellement en résidence permanente. La demande a été particulièrement forte pour des maisons traditionnelles, que ce soit près de Bucarest, en Transylvanie, dans la région de Vâlcea, au bord de la mer Noire, dans le delta de Danube, ou en Bucovine, sans oublier la zone de Saschiz-Viscri, déjà très prisée. Idem pour les maisons modernes avec un joli design, situées par exemple dans la vallée de Prahova et faciles d’accès depuis Bucarest. Une autre catégorie, qui est l’essence de notre marque, porte sur les monuments historiques, les manoirs ou les châteaux, réhabilités en résidences, sièges de sociétés, hôtels, cliniques privées, maisons de retraite, colonies de vacances ou centres d’événements.
Un patrimoine néanmoins toujours plus fragile…
Effectivement, c’est d’ailleurs la raison principale de notre activité qui a commencé en 2014, la réhabilitation de monuments historiques qui, autrement, péricliteraient. Les propriétés ayant appartenu à l’aristocratie roumaine ont été confisquées dans les années 1945-1950 et rétrocédées aux héritiers des propriétaires après 1989. Or, beaucoup ne vivent plus en Roumanie et n’ont plus de lien sentimental avec ces propriétés, à part peut-être le souvenir de grands-parents qui y ont vécu. Cela a créé une niche sur le marché, les détenteurs de ces biens ne savent pas trop que faire de maisons qui, en raison de la durée des démarches de rétrocession, sont souvent très dégradées. Nous avons donc décidé de promouvoir ces propriétés historiques en attirant des investisseurs, et en offrant toute une gamme de services allant de l’évaluation au conseil juridique, en passant par l’expertise en matière de réhabilitation et de gestion. Car il n’est pas simple de gérer, par exemple, un boutique-hôtel installé dans un château.
Votre plus grande amertume et votre plus grande satisfaction dans cette mission qui vous tient à cœur ?
Combien de propriétés dont je suis tombé amoureux et que j’aurais souhaité sauver sont malheureusement tombées en ruine ou ont complètement disparu… D’un autre côté, de nombreux projets ont abouti. Je pense à notre première transaction, la villa Știrbey de Mamaia, construite près du complexe royal et rachetée par un investisseur qui l’a réhabilitée et transformée en hôtel, mettant en valeur son histoire. Il y a aussi, parmi tant d’autres, le palais Şuţu, en style mauresque, construit sur la falaise de Constanţa et qui a abrité la Cour d’appel, une bâtisse très délabrée où des travaux de rénovation sont en cours. Ou encore le manoir Alexandrescu de Botoșani, situé sur un domaine de 17 hectares, transformé en clinique.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.