Malgré un contexte économique encore à la peine et un cadre administratif contraignant, le petit entrepreneuriat roumain n’a rien perdu de son audace. Même si pérenniser son affaire reste, ici comme ailleurs, le plus grand défi.
Immeuble en face de la Banque nationale aujourd’hui en rénovation, ayant abrité le premier siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Bucarest, puis la Bibliothèque nationale – avant de repasser aux mains de la Chambre.
Petite librairie à deux pas de la place de l’université, à Bucarest… Les vieux livres s’y entassent sur de hautes étagères en bois, une odeur de vieux papier invite à la lecture. Cosmin et Dan, deux trentenaires passionnés de beaux ouvrages, ont monté cette enseigne il y a bientôt quatre ans. Leur petite entreprise a résisté à la crise, mais reste fragile. « A cause d’une bureaucratie insupportable, des impôts qui nous plombent, un loyer indexé sur l’euro qui n’arrête pas d’augmenter, on lutte pour notre survie, lâche Cosmin. Au lieu de penser à long terme, aux cotisations et aux embauches que peut générer une PME en bonne santé, l’Etat veut obtenir de l’argent toujours plus vite, et augmente les taxes. » La situation précaire de leur librairie est celle de beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) en Roumanie. La PME roumaine, que l’on traduit par IMM, est une entreprise employant un maximum de 250 personnes, et dont le chiffre d’affaires net annuel ne dépasse pas 50 millions d’euros. Quelque 700.000 d’entre elles contribuent cependant, directement ou indirectement, à près de 50% des exportations du pays, et embauchent plus de 70% de la population active.
Car l’esprit entrepreneurial local est bien là, malgré les obstacles. « On peut même parler d’effervescence », renchérit le président du Conseil national des PME, Ovidiu Nicolescu. En dehors des années 2009 et 2010, où l’on a enregistré plus de faillites que de créations d’entreprise, le nombre de PME est en constante augmentation depuis la chute du communisme. « Par rapport à d’autres pays européens, la Roumanie compte un nombre relativement faible de PME par millier d’habitants, estime Mirabela Tiron, journaliste au quotidien économique Ziarul Financiar. Ce secteur n’a pas atteint sa maturité, il reste encore des places à prendre. »
En 2012, plus de 125.000 de ces sociétés se sont inscrites au registre du commerce. Un chiffre à relativiser puisqu’en même temps, 110.000 ont mis la clef sous la porte. « La raison principale de ces fermetures est le manque de formation managériale et entrepreneuriale des patrons, détaille M. Nicolescu. L’expérience montre que seule une PME sur trois devient une société viable, c’est-à-dire qui durera plus de cinq ans et génèrera du profit. » Ceci étant, les entrepreneurs qui jettent l’éponge ont bien souvent plus d’un tour dans leur sac. Cosmin et Dan, qui voient leurs ventes baisser, pensent déjà à se lancer dans une nouvelle aventure, pourquoi pas dans le tourisme. « En aucun cas je me vois retourner chez un patron », assure Cosmin.
Portrait robot
Selon les données de l’Institut national des statistiques (INS) pour l’année 2011, le petit entrepreneur roumain est en général un homme (62,4%), d’une trentaine d’années (35,5%), vivant en ville (74,7%), titulaire d’un diplôme universitaire (57,2%), et qui a occupé une fonction d’ouvrier non qualifié à un moment donné de sa vie (36,1%). Sa société est un petit commerce (43,1%) dont le siège social est enregistré dans son propre logement (71,2%), et qui n’a aucun salarié (58,7%).
Jonas Mercier (juillet 2013).