Entretien réalisé le lundi 29 janvier dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Experte au sein du Centre euro-atlantique pour la résilience basé à Bucarest, E-ARC, Camelia Botezatu explique le rôle de cette structure peu connue du grand public…
Quelle est la mission du centre dont vous faites partie ?
Créé par le gouvernement roumain, inauguré à Bucarest en 2021 et devenu opérationnel une année plus tard, E-ARC est un centre inter-institutionnel ainsi qu’un pôle de recherche dans le domaine de la résilience. Par résilience, j’entends la capacité de la société à faire face à tous types d’attaques ou de déstabilisations, tout en conservant sa cohésion et sa capacité à remplir ses fonctions essentielles. Subordonné dans un premier temps au ministère roumain des Affaires étrangères, le centre est en cours d’internationalisation – son président actuel, Ovidiu-Alexandru Raețchi, a le rang d’un secrétaire d’État, ndlr. Sa mission est de soutenir les efforts menés par l’OTAN et l’Union européenne dans plusieurs aspects tels que le concept de résilience stratifiée, c’est-à-dire à plusieurs niveaux d’intervention. Au quotidien, des groupes de travail au sein du Centre se concentrent sur le rôle que cette résilience peut jouer dans divers domaines, par exemple dans les systèmes de communication ou les infrastructures de transport, mais aussi vis-à-vis des technologies émergentes qui peuvent s’avérer disruptives, déstabilisantes. L’ambiance est un peu celle d’une start-up, nous sommes une organisation très jeune. Ces groupes se penchent aussi sur les situations de crises et d’urgences extrêmes ; ils font des simulations, par exemple. Et travaillent également sur la manière dont la résilience permet d’assurer la continuité de la gouvernance, et sur la façon dont des pays voisins de l’OTAN et de l’UE font preuve, ou pas, de résilience. Le centre est enfin une plate-forme qui permet des échanges d’expertise entre les gouvernements, la société civile, les milieux universitaires et le secteur privé. De fait, il se trouve à une sorte de convergence ; son rôle est de développer des synergies et des concepts, ou encore des méthodologies. Nous travaillons avec une cinquantaine de spécialistes issus de tous les domaines d’activité, notamment des forces armées, des affaires intérieures, des services de renseignement et des milieux académiques.
Quel rôle joue-t-il dans le contexte géopolitique mondial actuel ?
En ce moment, nous sommes très actifs en République de Moldavie où nous appuyons la lutte contre la désinformation et contre les attaques hybrides menées par la Russie. Selon nous, l’invasion russe de l’Ukraine n’est que l’expression particulièrement violente d’un conflit plus ample qui oppose la Russie aux démocraties occidentales. L’Occident est en proie aux menaces hybrides de Moscou sous différentes formes : campagnes de désinformation, baisse de la confiance des citoyens vis-à-vis des valeurs démocratiques, encouragement des mouvements séparatistes et des conflits. Autant de défis que nos experts, dont certains sont des officiers de l’armée roumaine, examinent dans le but de les anticiper et de les combattre. Nous collaborons en outre avec d’autres centres de résilience un peu partout dans le monde, et nous participons à des échanges d’expérience afin que toutes ces analyses stratégiques permettent aux gouvernements d’adopter des mesures de lutte contre les menaces actuelles. Depuis l’automne dernier, en collaboration avec le Comité de la politique et des plans de défense de l’Otan*, E-ARC assure à Bucarest des formations pour les experts civils dans le domaine de la résilience afin de renforcer les capacités de l’OTAN et d’offrir une réponse coordonnée aux crises qui menacent les pays alliés.
* https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_69128.htm
La place de la Roumanie au sein des structures euro-atlantiques a-t-elle changé suite à l’inauguration d’un tel centre ici, à Bucarest ?
La décision de la Roumanie d’ouvrir sur son territoire un centre de résilience en rapport direct non seulement avec l’OTAN et l’UE, mais aussi avec l’ensemble de l’espace euro-atlantique est éminemment stratégique. Le centre est un véritable instrument diplomatique pour Bucarest, son existence démontre que le pays accorde de l’importance à la coopération internationale dans la gestion des crises. Grâce au centre, l’OTAN fait coup double : elle renforce à la fois la position et le rôle de la Roumanie dans la région ainsi que la cohésion transatlantique. En outre, cela permet à l’Alliance nord-atlantique de mieux servir les missions d’évaluation et de soutien de la résilience au sein des pays de la région de la mer Noire. Les sessions de formation organisées à Bucarest assurent le développement d’un véritable vivier de spécialistes censés participer par la suite aux missions consultatives sur la résilience (RAST, ndlr) menées par l’Alliance.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.