Entretien réalisé le vendredi 13 janvier dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Expert en économie et professeur à l’Université roumano-américaine de Bucarest, Bogdan Glăvan dresse le bilan de l’année passée et dévoile ses prévisions pour 2023…
Comment décririez-vous l’année 2022 pour l’économie roumaine ?
Dès le début, l’économie roumaine a évolué dans un contexte global et régional marqué par la crise énergétique et la flambée des prix. L’inflation a explosé – s’élevant en décembre dernier à 16,4%, soit le double des prévisions, ndlr –, tandis que la croissance économique a été pour sa part plus forte que prévue – 4,3% sur neuf mois, selon l’Institut national des statistiques, ndlr. Cette évolution apparemment contradictoire est parfaitement explicable ; la croissance a été poussée par des conditions financières particulièrement permissives, avec des taux d’intérêt inférieurs à l’inflation et des dépenses publiques très élevées. Les deux phénomènes se sont dopés réciproquement, générant une hausse du Produit intérieur brut plus élevée que prévue, soutenue par cet argent bon marché. Pour la population toutefois, l’année a ressemblé à 2010, quand le gouvernement a mené une politique d’austérité. Les revenus réels des Roumains ont baissé, grignotés par l’inflation, en réalité un impôt caché. Seule une partie infime de la société a ressenti les bénéfices de la croissance.
Comment 2023 s’annonce-t-elle ?
2023 continuera sur la même ligne, le gouvernement va sans doute poursuivre sa politique de consolidation budgétaire, destinée à maintenir les dépenses publiques au plus près des revenus, ce dont, comme il l’a déjà montré, il ne sera pas capable à moins de majorer les taxes, ou à travers l’inflation. Du coup, 2023 ressemblera à 2022, la population se sentira victime d’une politique d’austérité. Vers la fin de l’année, il est cependant possible d’assister à quelques envolées démagogiques, marquées par une hausse des dépenses publiques, et ce dans la perspective des élections de 2024. La croissance économique – qui devrait atteindre 1,8% selon la Commission européenne, ndlr – va ralentir, ce qui est une bonne chose car la Roumanie a besoin d’une croissance saine. Tout comme un individu a tout intérêt à manger des plats sains et non pas se goinfrer de friandises. Mettre un terme à la politique de l’argent bon marché signifie ne plus subventionner des dépenses ou des investissements inutiles, et encourager l’épargne. L’État sera appelé à faire des investissements importants dans le cadre du Plan national de relance et de résilience – PNRR, financé par Bruxelles, ndlr. Néanmoins, je doute beaucoup de la capacité des autorités à dépenser cet argent de manière efficace. Cette avalanche de fonds européens risque de générer une « malédiction des ressources » ; elle va entraîner du gaspillage et des dépenses qui ne pourront pas être soutenues à long terme.
Quels conseils donneriez-vous au gouvernement afin d’assainir l’économie ?
Le principal problème des gouvernants est leur obsession de majorer la fiscalité. L’idée d’assainir les finances publiques est louable. L’État doit en effet réduire le déficit public. Cela peut se faire de deux manières ; en majorant les taxes, et donc les recettes publiques, ou en limitant les dépenses. Malheureusement, les gouvernements successifs ne jurent que par la hausse des taxes. Or, cela ne va pas résoudre le problème, suscitant au passage frustration au sein de la société. Augmenter les taxes à un moment où la croissance ralentit ne peut pas être bénéfique. Ceci étant, la Roumanie doit effectivement tenir sous contrôle les dépenses publiques et rendre plus efficaces ses structures et institutions. Elle doit donc faire des réformes. Mais ça va être difficile, parce que cela signifie notamment chasser du pouvoir des groupes d’intérêts qui s’opposent à ces réformes.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.