Entretien réalisé le jeudi 13 octobre dans la matinée, au studio de RFI Roumanie à Bucarest.
Ingénieur diplômé de l’École nationale des arts et métiers, la Française Anouk Ragot vit à Bucarest depuis sept ans. Après plusieurs postes dans des multinationales, elle a choisi la peinture comme mode d’expression. Avant de se lancer, il y a peu, dans une entreprise originale au service des femmes…
Quelle a été votre expérience en tant qu’artiste en Roumanie ?
La Roumanie est vraiment une terre propice à se dire que tout est possible, et où l’on peut échouer. En France, on s’impose de toujours réussir, on se met davantage de barrières. Je n’aurais pas osé démarcher des galeries d’art à Paris. Mais c’est ce que j’ai eu envie de faire à Bucarest, où j’ai trouvé une galerie au printemps 2017, Elite Prof Art, située dans le quartier de Cotroceni. Ils ont tout de suite été d’accord pour que j’expose, dans les quinze jours. L’exposition a porté sur la thématique de la femme, des tableaux très vifs en couleurs. Ce fut un moment hors du temps, en tout cas pour moi, une expérience très forte en termes de partage. Avant, lors de mes différents postes au sein de multinationales, la satisfaction professionnelle était de l’ordre de l’excellence, du travail d’équipe. Avec la peinture, on est tout seul, mais on pense aux autres différemment, sans doute d’une façon plus humaine, plus intime.
Aujourd’hui, une autre initiative prend tout votre temps…
Effectivement. Si la peinture reste en moi et que je continuerai à peindre, j’ai eu envie de me lancer dans une entreprise pour les femmes, pour leur bien-être. Que ce soit dans mes peintures ou dans la vie en général, j’ai toujours été très sensible aux femmes, à leur parcours, à leur capacité à combiner plusieurs choses dans leur vie. Il ne s’agit pas d’une cassure par rapport à ce que j’ai fait auparavant, mais bien d’une continuité, la conséquence de plusieurs expériences. L’entrepreneuriat me permet aussi de m’occuper de mes trois enfants de façon plus flexible, mon mari étant lui-même très pris par son travail à Bucarest. L’entreprise que j’ai donc lancée il y a un an avec ma collègue, Laurence Blondiaux, s’appelle Libréa. Nous fabriquons et commercialisons des culottes menstruelles. Je voulais un produit concret et surtout très utile. Il s’agit d’une culotte qui absorbe et retient le saignement menstruel. Elle est apparue aux États-Unis il y a environ sept ans, avant d’arriver en Europe il y trois, quatre ans. Jusqu’à présent, il y a eu très peu d’innovations dans ce domaine. Or, 25% de la population mondiale est concernée par les menstruations qui sont, de façon générale, mal vécues. Et qui représentent, dans la vie d’une femme, environ 12 000 tampons et lingettes. L’impact environnemental n’est donc pas négligeable. Alors que la culotte menstruelle peut être réutilisée après lavage, comme n’importe quelle autre culotte.
De quoi est-elle faite ?
Elle est en matériaux naturels, en bambou, et la partie centrale est faite de coton bio, d’un tissu absorbant et d’un autre plus technique, imperméable. Surtout, elle est très fiable, ce qui est sans doute l’aspect le plus important. Il faut que la femme ait une confiance totale en notre produit, la peur de se tacher étant toujours très présente. La culotte est suffisante, plus besoin d’utiliser d’autres types de protection ; et il y a différents modèles en termes d’absorption. C’est un vrai soulagement pour les femmes, une liberté recouvrée.
Propos recueillis par Olivier Jacques.