Andreea Ember est technicienne du patrimoine culturel pour le Centre des monuments nationaux au Château de Maisons et à la villa Savoye, en France. Elle se penche sur le rôle du patrimoine national et sa préservation…
Quelle est la différence entre la France et la Roumanie concernant la gestion des édifices de patrimoine national ?
À la différence de la France, en Roumanie la division du travail n’est pas bien déterminée dans le domaine du patrimoine. Par exemple, au Musée départemental de Zalău, ou encore à l’Institut d’archéologie et d’histoire de l’art de Cluj, les muséographes, les archéologues ou les chercheurs sont censés s’occuper aussi de la partie administrative. C’est décourageant pour quelqu’un qui voudrait se lancer dans ce domaine, et cela se reflète aussi dans les accomplissements du secteur au niveau national. En France, le respect de la répartition des activités de patrimoine nous permet d’être plus efficaces dans nos efforts pour le préserver. Chacun a ses propres missions et objectifs, son propre budget, tout est prédictible. En Roumanie, on a une enveloppe globale, souvent insuffisante, qu’on se partage comme on peut. De plus, la dernière mise à jour de la liste des monuments de Roumanie date de 2015, tandis que la France l’actualise annuellement.
Sur l’ensemble des monuments de Roumanie, quels seraient ceux qui, selon vous, mériteraient toute l’attention des autorités ?
Si au chapitre « musées » la Roumanie ne se porte pas mal, la situation se détériore quand on se penche sur les monuments de catégorie B. Il s’agit de tous ces monuments dont l’intérêt reste plutôt local, mais dont la survie est essentielle pour l’histoire et l’identité nationales. Un aspect que la France a compris depuis longtemps, et qui explique un grand nombre d’activités mises en place notamment à l’intention des enfants partout dans le pays, afin de les sensibiliser à l’importance du patrimoine. En Roumanie, même si les ateliers consacrés aux plus jeunes se multiplient, ils restent insuffisants, et il manque du personnel spécialisé dans de telles activités.
Pourquoi est-il important de préserver le patrimoine national ?
Le rôle que le patrimoine joue au sein d’une société est essentiel, non seulement d’un point de vue identitaire, mais aussi afin d’expliquer le parcours historique d’un territoire. À force de préserver ou de restaurer des monuments, on pourra mieux expliquer les différentes évolutions des régions. Prenez l’exemple du château de Wesselényi de Jibou – localité située au nord-ouest de la Roumanie, dans le département de Sălaj, ndlr. L’un de ses anciens propriétaires, le baron Miklós Wesselényi*, est resté dans l’histoire comme étant celui qui a appris aux serfs à gérer leurs propres terres. À travers une visite du château, on ressuscite des modèles de conduite pour les jeunes générations. Et on comprend aussi pourquoi ce coin de Roumanie a évolué différemment par rapport à d’autres régions. Quand un édifice disparaît, quand ses portes restent fermées au public, tout un univers disparaît.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.
* Miklós Wesselényi (1796-1850), homme politique hongrois, fut aussi l’un des initiateurs de la révolution hongroise de 1848.