Anca Tîrcă est consultante en éducation et ancienne directrice d’établissement scolaire. Dans cet entretien, elle parle des défis présents et de l’école de demain…
L’épidémie de Covid-19 a imposé beaucoup de contraintes au système éducatif qui a dû s’adapter. Selon vous, comment la Roumanie a-t-elle géré cette situation exceptionnelle ?
Le système éducatif roumain a été confronté aux mêmes problèmes que dans d’autres pays. On a constaté un manque d’équipements, des besoins en formation sur les outils Internet, ou encore un stress et des déséquilibres émotionnels tant chez les enfants que chez les adultes. À mon sens, il est essentiel de bien identifier quels sont les gains et les échecs de cette année exceptionnelle, et les leçons qui peuvent en être tirées pour un meilleur enseignement. Ce genre d’études est déjà en cours dans d’autres pays. Ici, nous n’en sommes encore qu’au début, mais on sait déjà qu’il faudra réinventer l’éducation des jeunes. Cependant, si la Roumanie a appris quelque chose pendant cette crise, je crois que cela se situe au niveau des professeurs. L’an passé, ils ont dû faire face à un nouveau paradigme imposé par la pandémie et tous ont fait des efforts. Ils ont appris seuls et se sont parfaitement débrouillés avec les outils technologiques à leur disposition. Cela a été pour moi une surprise extrêmement plaisante, et il me semble que c’est un gain extraordinaire pour la Roumanie.
Est-il possible que cette dernière année chaotique fasse naître de nouvelles méthodes d’enseignement ? Selon vous, à quoi ressemblera l’école de demain ?
Je crois que nous sommes effectivement à un grand tournant. On doit notamment trouver où et comment nous enseignerons, et comment surtout nous allons réussir une transition intelligente concernant l’utilisation des outils numériques. Pour le moment, ce recours à la technologie n’a pas vraiment apporté d’avantages, de valeur ajoutée. Il faudra aussi se pencher sur les changements nécessaires dans la formation des professeurs par rapport à l’enseignement en ligne. Une majorité a fait des cours classiques, sans chercher l’interactivité avec les élèves.
Laisse-t-on une place suffisante au développement personnel de l’élève en Roumanie ? Comment cela pourrait-il évoluer ?
Il y a aussi ici des écoles innovantes qui se préoccupent du développement émotionnel, personnel et social des enfants. Mais, malheureusement, nous n’avons pas de politique d’enseignement spécifique, c’est clairement un domaine à approfondir. D’après moi, pour former les adultes de demain, il n’est pas nécessaire d’imposer aux élèves la mémorisation d’autant d’informations. Il serait préférable de privilégier, par exemple, l’apprentissage de l’autonomie. Nous devons pour cela construire un système éducatif qui, à tous les niveaux, puisse permettre à chacun de faire face à tout type de défis ; il faut que chacun sache s’organiser et assume son rôle et ses responsabilités. De fait, dans cette période troublée où nous ne savons plus ce que le terme « école » veut dire, sans doute faudrait-il tout repenser ; l’école est-elle un concept physique organisé autour d’un bâtiment, ou est-ce un concept qui devrait s’articuler autour de liens sociaux de natures diverses ?
Propos recueillis par Sylvain Moreau.