Entretien réalisé le vendredi 7 avril en fin de matinée, par téléphone et en roumain.
Rencontre avec Ana Maria Răducanu qui a fondé en 2020 l’épicerie Zero Waste, une solution contre le gaspillage et afin de mieux gérer les déchets quotidiens…
Comment vous est venue l’idée de votre épicerie ?
J’ai eu la chance de passer plusieurs mois dans différents éco-villages, parmi lesquels Auroville, dans le sud de l’Inde. Et j’ai été fascinée par toutes ces micro-sociétés respectueuses envers l’environnement où les déchets sont transformés plutôt que recyclés. D’où mon idée d’ouvrir une boutique « zéro déchet » à Bucarest qui propose toutes sortes de produits écologiques – aliments, produits de soin ou de nettoyage – vendus en vrac. Les clients viennent avec leurs propres contenants, boîtes, bols, thermos, sacs en papier et les remplissent d’articles vendus sans emballage. Nous avons parmi nos fournisseurs plusieurs petits producteurs autochtones de produits écologiques, du détergent au shampooing. D’ailleurs, c’est le seul endroit de Bucarest où le shampooing est vendu en vrac. Nous commercialisons aussi des objets réutilisables : rasoirs, lingettes et même Cotons-Tiges. Je pratique les mêmes prix que ceux proposés par les supermarchés précisément pour encourager les gens à acheter de façon responsable. De fait, en faisant vos courses dans une boutique « zéro déchet », vous constaterez que vous achetez seulement la quantité dont vous avez besoin. Cela a logiquement une répercussion positive sur vos dépenses*.
* https://reporterre.net/Bea-Johnson-On-a-adopte-le-Zero-dechet-et-la-vie-est-meilleure
Comment votre clientèle a-t-elle évolué ?
J’ai ouvert l’épicerie le 14 décembre 2020, en pleine pandémie, suite à une campagne de « crowfunding » (financement participatif, ndlr) qui a mobilisé environ 400 personnes figurant toujours parmi nos clients les plus fidèles. S’y ajoutent tous ceux qui essaient de faire leurs courses d’une manière plus responsable. Nous avons aussi des personnes âgées nostalgiques de l’époque où le commerce se faisait en vrac, quand les gens se rendaient dans les épiceries avec leurs propres récipients. Et puis il y a celles et ceux de plus en plus conscients de la nécessité de protéger la nature et l’environnement, de lutter contre l’utilisation du plastique, contre le gaspillage, et qui sont disposés à modifier leurs habitudes.
Pensez-vous qu’une initiative comme la vôtre peut encore changer l’impact de la société de consommation sur l’environnement ?
On consomme plus de ressources que la planète ne peut en fournir. Le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat confirme que l’humanité a presque raté sa chance d’empêcher une hausse de 1,5 degré de la température globale. Le rapport est public, accessible, mais il n’a provoqué aucune réaction de la part des décideurs politiques. C’est donc plutôt aux sociétés de se mobiliser et d’apprendre à choisir une manière plus responsable de vivre. Il ne s’agit pas de faire des sacrifices, mais de changer nos habitudes. Par exemple, nous devons éliminer le plus rapidement possible tous les produits en plastique à usage unique*. Voilà pourquoi les épiceries « zéro déchet » sont importantes, elles se battent contre le gaspillage, facilitent l’accès des gens aux produits écologiques et encouragent les fabricants locaux à privilégier une économie circulaire. La transition vers ce type d’économie peut se faire progressivement. Par exemple, à partir de demain, utilisez votre propre sac pour les courses au lieu d’en acheter un à la caisse.
Propos recueillis par Ioana Maria Stăncescu.
* En France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire fixe comme objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.