Alida Barbu, biologiste au sein de la Société ornithologique roumaine (SOR), parle d’une proximité grandissante entre l’homme et les cigognes, les mouettes et autres corneilles. Mais les causes de ce phénomène ne sont pas toujours louables…
La Société ornithologique roumaine vient de lancer un nouveau recensement des nids de cigogne. Pourquoi ce projet ?
La Roumanie, comme l’ensemble de l’Europe, mène tous les dix ans, depuis 1994, un recensement des cigognes blanches, une espèce protégée. Et depuis 2017, chaque mois de juin, nous invitons la population à nous signaler la présence de nids et à compter les cigogneaux qu’ils abritent en utilisant une nouvelle application baptisée « Uite Barza! » (Regarde, une cigogne, ndlr). Comme il s’agit d’une espèce très facile à repérer et que tout le monde connaît, nous avons pu localiser les nids avec une grande précision, grâce aussi aux photos que nous recevons. L’année dernière, ces volontaires, toujours plus nombreux à participer à ce projet de science citoyenne, nous ont signalé plus de 3500 nids, dont un millier que nous ne connaissions pas. Il est certes difficile d’aboutir à un décompte précis des oiseaux, mais une estimation portant sur la période 2013-2018 fait état de 7500 à 9000 paires de cigognes nicheuses. Si au niveau européen l’espèce a connu un déclin, en Roumanie elle semble jouir d’une certaine stabilité. Cet équilibre est toutefois relatif, c’est pourquoi notre projet vise à observer le plus tôt possible à quel moment des facteurs perturbateurs interviennent.
Prévoyez-vous aussi une forme de protection de ces oiseaux ?
Oui. Par exemple, avec le soutien du distributeur d’électricité Enel, qui a également financé l’application, nous montons des supports pour les nids des cigognes. Ces oiseaux construisent souvent leurs nids au-dessus des poteaux électriques, et risquent de s’électrocuter et de provoquer des coupures d’électricité. Grâce à ces supports, nous protégeons aussi bien les oiseaux que la population.
Avez-vous remarqué des changements dans le comportement des oiseaux provoqués par l’homme ou le changement climatique ?
Pour ce qui est des cigognes, il semble en effet que leur période de migration et de nichage ait été décalée, sans doute parce que les hivers sont plus doux. Du coup, nombre d’entre elles ne quittent plus la Roumanie. Il n’existe toutefois pas d’étude scientifique à cet égard et, si nous avons remarqué le phénomène ces vingt dernières années, il est possible qu’il ne s’agisse pas d’un comportement nouveau. Peut-être que les gens font davantage attention à ce qui se passe au-dessus de leur tête. On a constaté par ailleurs que les mouettes ont tendance à se déplacer davantage à l’intérieur du continent européen ; il n’est d’ailleurs pas rare d’en voir voler au-dessus de Bucarest. C’est relativement récent, et cela nous est en partie imputable car nous leur offrons de la nourriture. Sans oublier les déchets qui s’accumulent un peu partout et qui les attirent. Idem pour les corneilles, de plus en plus nombreuses dans les parcs. Leur présence ne devrait toutefois pas nous surprendre dès lors que les arbres bordant les routes à l’extérieur des villes, où elles se reposaient et nichaient, ont souvent été coupés.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.