Entretien réalisé le lundi 13 février dans la matinée, en roumain et par téléphone.
Jeune programmeur et fondateur de la plateforme Refugees.ro destinée aux Ukrainiens fuyant la guerre dans leur pays, Alexandru Panait évoque les défis de la numérisation en Roumanie, et de l’intelligence artificielle…
Où en est la Roumanie en termes de numérisation ? Vous avez notamment créé une application baptisée E-PrimariaTa (C’est ta mairie, ndlr), a-t-elle été bien accueillie ?
J’ai découvert le dédale de l’administration publique en 2019 quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, et que j’ai dû mettre sur pied une société. Je me suis dit alors qu’il y avait là une opportunité pour essayer de débureaucratiser le système. À mon avis, l’interaction entre les citoyens et l’administration publique est le pilier central d’un fonctionnement efficace de l’État. Grâce à l’application E-PrimariaTa, les citoyens ne sont plus obligés d’aller et venir chargés de documents entre différentes institutions, ils peuvent tout faire en ligne, y compris suivre le progrès de leur démarche, même s’ils se trouvent à l’étranger. D’autre part, elle facilite le travail des administrations, dont les responsables peuvent plus aisément analyser l’activité des fonctionnaires et voir là où ça bloque. Mais les administrations ont été plutôt réticentes à investir leurs fonds propres dans ce secteur ; elles préfèrent attendre la mise en œuvre du Plan national de relance et de résilience de l’Union européenne, dont le seul volet « numérisation » est doté de 10 milliards d’euros. Le travail à cet égard ne fait donc que commencer.
Tournons-nous vers l’intelligence artificielle. Comporte-t-elle des risques ?
Pour moi, l’intelligence artificielle est une avancée tout aussi importante sinon plus importante que l’apparition d’internet, il s’agit d’un changement radical de paradigme. Car si internet a permis aux gens de communiquer à distance et de transmettre des données à un niveau jamais atteint auparavant, l’intelligence artificielle (IA, ndlr) va résoudre un autre problème, celui de la mémoire. Jusqu’ici, le système d’éducation investissait notamment dans la mémoire des gens, dans leur capacité de mémorisation. Désormais, l’IA peut s’en charger, elle peut stocker une quantité énorme d’informations dans une multitude de domaines et les répliquer à volonté. À mon sens, elle ne comporte pas de risques. Prenons, par exemple, l’invention du frigo ; elle a fait perdre leur emploi à 100 000 hommes qui travaillaient au Pôle nord pour fournir l’Europe en glace. D’autres inventions ont eu le même résultat. Mais il s’agit simplement du fruit d’une évolution continuelle. L’IA ne va pas faire disparaître des emplois mais changer leur nature. Les gens ne seront plus contraints de mémoriser des choses pour travailler, ils utiliseront l’IA, et pourront ainsi développer d’autres capacités, dont celle d’aider les autres.
Et quid de ce nouveau venu, ChatGPT*, qui fait tant parler de lui ?
Le lancement de ChatGPT par Microsoft est un coup remarquable qui n’est sans doute pas le dernier. Cette application peut être utilisée d’une multitude de façons que nous sommes tous en train de découvrir. Ceux qui ont un blog, par exemple, l’utilisent pour générer un texte, en lui fournissant simplement une idée. Moi-même, j’y fais appel pour des questions liées à la physique ou à la médecine, mais je sais que beaucoup d’autres utilisations sont possibles.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.
* Pour en savoir plus sur ce nouvel outil : https://www.numerama.com/sciences/1200230-cest-quoi-chatgpt-on-a-laisse-chatgpt-repondre-a-la-question.html