Entretien réalisé le mardi 26 novembre dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
Vava Ștefănescu est chorégraphe et la gérante du Centre national de danse de Bucarest (CNDB). Elle revient sur l’histoire de la salle OMNIA, nouveau siège du Centre, œuvre de l’architecte Cezar Lăzărescu et fleuron de l’architecture communiste roumaine des années 1960, et sur les difficultés de sa rénovation…
Que fut la salle OMNIA ?
Construite à la fin des années 1960, la salle OMNIA faisait partie d’un grand ensemble consacré au Parti communiste. À l’origine, Nicolae Ceaușescu l’utilisait pour présider les réunions du Comité central, avant qu’elle n’accueille le Sénat dans les années 1990. Après 2007, le bâtiment, déjà en mauvais état, a été transféré du ministère de l’Intérieur à celui de la Culture. Il a servi un temps pour les répétitions du Théâtre d’opérette de Bucarest, avant de devenir un entrepôt de décors. Sans chauffage ni entretien, la salle s’est détériorée, devenant inutilisable. En 2016, elle a été cédée au CNDB qui ne disposait plus de siège depuis 2011. L’idée était alors de la rénover pour en faire une salle adaptée à nos besoins, avec un studio, une scène, etc. Pour y parvenir, nous avons obtenu un financement européen de 13 millions d’euros. Et enfin, après des années de démarches, les plans pour la rénovation d’OMNIA ont été finalisés. Mais récemment, alors que nous étions prêts à lancer l’appel d’offres pour cette rénovation, tout s’est arrêté, et personne ne nous a fourni d’explications. Ce silence est incompréhensible, alors que le projet est vital pour nous qui avons besoin de cet espace afin d’exister pleinement et de remplir notre mission.
Plus précisément, que souhaitez-vous faire de cette salle ?
Nous avons travaillé pendant sept ans avec l’équipe de conception, et nous avions atteint un excellent niveau de faisabilité, de budget et d’équipements. La nouvelle salle Omnia a été pensée pour être un bâtiment moderne, écologique et innovant, avec une partie de l’énergie produite sur place grâce à des panneaux solaires et une utilisation optimale de la lumière naturelle. Le projet prévoit deux studios modulables pour les répétitions, les formations et les programmes de l’école de danse ou de l’Académie, avec en plus une médiathèque, des archives éclairées par un patio, un café avec terrasse, ainsi que des bureaux et un espace accueillant des résidences artistiques réparties sur quatre niveaux. Tout a été conçu pour répondre aux besoins du CNDB, mais aussi pour offrir une infrastructure adaptée à la danse contemporaine en Roumanie. Le CNDB est membre de réseaux internationaux, notre institution est bien plus active que certains théâtres nationaux. Et c’est surtout la seule à traiter exclusivement de danse contemporaine. Mais voilà qu’après plus de treize années d’efforts, le gouvernement n’a toujours pas trouvé de solution pour nous. Cet arrêt soudain du projet, sans explication, est incompréhensible et reflète le manque d’intérêt des autorités pour la culture. Pourtant, un espace aussi bien équipé, en plein cœur de Bucarest, serait un atout majeur pour la ville. Les habitants en bénéficieraient, il améliorerait la qualité des spectacles, avec aussi un impact économique positif.
Alors quels sont les projets du CNDB pour 2025 ?
Je voudrais d’abord rappeler que la nouvelle édition du festival « Iridescent », qui vient de s’achever, représente un événement majeur pour la danse contemporaine dans le pays, et a remporté un grand succès. D’ici la fin de l’année, nous organiserons des réunions professionnelles pour dresser le bilan, échanger et préparer la suite. En 2025, nous poursuivrons trois projets européens importants ; nous sommes également ravis d’avoir obtenu une nouvelle subvention du Fonds culturel national pour la 3ème édition de l’Académie de danse et de performance*. Notre budget, principalement financé par le ministère de la Culture, reste toutefois insuffisant. Nous devons constamment trouver des fonds complémentaires, tandis qu’une grande partie de nos ressources est absorbée par le loyer de notre espace actuel dans lequel nous sommes installés depuis 2011. Néanmoins, notre programmation pour l’année prochaine est presque finalisée. Et ces deux dernières années, malgré un manque de moyens chronique, je voudrais quand même mentionner que nous avons bénéficié d’un vrai soutien moral de la part de certaines personnes du ministère, notamment sous les mandats de Lucia Romașcanu et de Raluca Turcan. Nous espérons que cette dynamique se poursuivra en 2025, bien que nous restions tributaires des priorités politiques et budgétaires à venir.
Propos recueillis par Charlotte Fromenteaud (26/11/24).
* Programme de formation en danse contemporaine destiné aux danseurs et producteurs émergents qui a pour mission de les intégrer dans le circuit professionnel européen par le biais d’une formation intensive et à long terme (ndlr).