Silvia Marton est maître de conférences en sciences politiques à l’Université de Bucarest. À la veille des prochaines élections législatives, elle analyse la situation politique en Roumanie…
Suite aux élections locales de septembre dernier, diriez-vous que la Roumanie est sur la bonne voie en termes de maturité démocratique et politique ?
Oui, la Roumanie est une démocratie consolidée, les rouages institutionnels fonctionnent. Dans l’ensemble, c’est un pays où la liberté d’expression et d’opinion est respectée. Le principal problème concerne le recrutement du personnel politique et la façon dont on entre en politique. Depuis trente ans se pose aussi la question des différentes accusations de collusion de la classe politique avec les services de renseignements d’une part, et avec la sphère économique d’autre part. Tout cela pèse sur la perception des différents partis par l’électorat. Il y a énormément de choses à améliorer en termes de transparence dans la manière de faire de la politique. Mais, dans l’ensemble, la Roumanie est à l’abri de grandes instabilités. Les violences sont parfois verbales, c’est d’ailleurs très fréquent au moment des élections, mais le spectre de l’instabilité institutionnelle est tout à fait improbable. La façon dont la classe politique fonctionne indique que les grands conflits se négocient.
Pensez-vous que le Parti national libéral – PNL, au pouvoir, ndlr – et l’USR-Plus arriveront à former une majorité stable après les élections législatives ?
Pour l’instant, les sondages donnent assez clairement une majorité au Parti national libéral, mais celui-ci semble lentement reculer dans les intentions de vote. La gestion de la crise sanitaire par le gouvernement est notamment sujette à débat dans la manière de communiquer, et de prendre des décisions. Par ailleurs, le PNL a plusieurs partenaires possibles autour de lui, l’USR mais aussi le Parti mouvement populaire, qui sont en même temps des voix critiques vis-à-vis du gouvernement actuel. Plus le temps passe, plus le PNL semble être la proie de ces mêmes partenaires qui demandent des réponses à leurs exigences. C’est une autre raison pour laquelle le PNL souhaite des élections le plus rapidement possible, en espérant avoir une majorité assez importante pour ne pas être si dépendant.
Qu’est-ce qui vous déconcerte le plus sur la scène politique roumaine ?
Du point de vue du discours politique, la gestion de la crise sanitaire me semble assez amatrice. Il est difficile de critiquer quand on n’est pas au cœur du contrôle de cette situation qui est extrêmement compliquée et qui crée des mécontentements, quelles que soient les décisions prises. Mais cette crise est aussi une opportunité en termes de leadership, une occasion de montrer une stature d’homme d’État et d’assumer vraiment la difficulté de la tâche. Or, il est décevant de voir que personne n’a envie d’être ou d’apparaître comme le gérant en chef de ce contexte difficile, qu’il s’agisse du président, du Premier ministre ou de l’opposition. Il n’y a pas de voix capable d’assumer vraiment une stature d’homme ou de femme d’État. Pourtant, même impopulaire, la prise de décision n’est pas nécessairement un risque du point de vue électoral.
Propos recueillis par Sylvain Moreau.
Note : Le 6 octobre dernier, Silvia Marton a participé à l’émission “Les Enjeux internationaux” sur France Culture. L’entretien est à écouter sur le lien suivant (11 minutes) : https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/lemergence-dune-nouvelle-generation-politique-en-roumanie