Place de l’université à Bucarest, début décembre, un samedi matin. Je prends la ligne de métro Pipera mais dans l’autre sens, direction Berceni à l’extrême sud de la ville. Station après station, la rame se vide. A l’arrêt Dimitrie Leonida, il ne reste plus que l’agent de sécurité. Quelques secondes avant d’arriver au terminus, le métro sort de terre, un peu comme entre Passy et Bir-Hakeim à Paris. Mais la scène est différente. A droite, une zone industrielle ; à gauche, des lotissements vides. Je remonte dans le métro pour rebrousser un peu chemin, m’arrête à la station Constantin Brâncoveanu et prends la rue Alunişului en direction du quartier Ferentari, dans le secteur 5. Il n’y a que des petites maisons, certaines au toit en taule ressemblent davantage à des cabanes, d’autres sont toutes neuves et paraissent inhabitées. Au bout de la rue, une église impeccable, juste à côté d’un centre social en construction. « C’est nous qui le finançons », affirme un prêtre à l’entrée de l’édifice. Je continue rue Toporaşi, puis rue Bachus… Malgré le soleil, il fait très froid. Autour de moi, il n’y a que des garages, des petits magasins de coiffure, des dépôts de ferraille, et quelques blocs d’immeubles isolés. Sur un panneau, une vieille affiche délavée du parti populiste PRM. A droite de la rue Bachus, le jardin public de Ferentari, plutôt en mauvais état et peu fréquenté. Des lattes manquent aux bancs, le tourniquet pour enfants est cassé et les balançoires n’ont plus leurs cordes. Un père s’amuse avec son fils ravi dans l’allée principale. Le froid s’accentue, cela fait plus de deux heures que je n’ai pas vu un seul endroit où se réchauffer. Sur l’avenue Ferentari, je croise deux enfants rieurs qui courent en se tenant la main. Sans plan, je tourne à droite rue Năsăud, semble-t-il plus clémente. Après une centaine de mètres, je tombe sur le grand centre commercial Liberty. Il n’y avait rien, je suis face à tout. J’hésite à y entrer pour prendre un peu de chaleur comme beaucoup de gens du quartier doivent le faire, sans but précis. Mais les rues alentour sont soudainement plus animées. En face du centre, une grande tente où l’on vend des vêtements d’hiver bon marché. Je m’y engouffre et achète trois paires de chaussettes pour deux euros. Avant de me diriger vers l’avenue Rahova jusqu’au marché aux fleurs de la place Coşbuc et le centre culturel The Ark, ancienne bourse de marchandises. J’aime cet endroit. Le week-end, des petits producteurs et des artisans s’installent tout autour. Je prends un vin chaud et me demande ce que font maintenant les enfants que j’ai aperçus à Ferentari. Avec leur si beau sourire. Un instant.
Laurent Couderc (décembre 2013).