Où en est l’école roumaine ? Et combien coûte-t-elle aux parents d’élèves ?
Les résultats inquiétants aux derniers examens du baccalauréat – seulement 67% de réussite au niveau national –, tout comme un taux de chômage en hausse chez les jeunes – 21,8% au premier trimestre 2016, selon l’Institut national de la statistique – remettent en question la viabilité des programmes scolaires dans les écoles roumaines. Selon la dernière enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) qui a évalué l’année dernière les performances des adolescents de 15 ans dans le monde, la Roumanie se classe 48ème sur 72 pays, derrière les Bulgares et les Hongrois. « Cette étude révèle une réalité bien triste, estime le sociologue Adrian Hatos. Incapable de combler les carences éducationnelles dans les familles, l’école roumaine finit par creuser davantage les écarts socio-économiques entre les enfants, et continue de diviser la Roumanie en deux : l’une urbaine et plutôt performante, l’autre rurale et pauvre. »
Côté performance, les élèves roumains ont toujours été parmi les meilleurs aux Olympiades de mathématiques et autres matières – voir l’article « Tout pour l’excellence », page 31 du numéro 72 de Regard. Les bons professeurs font bon ménage avec les bons éléments. « J’ai la chance de travailler avec des élèves très motivés, ce qui me permet de placer la barre assez haut. À voir leurs résultats, je me sens très satisfaite », affirme Claudia Vasile qui enseigne l’espagnol dans un collège public renommé de Bucarest. Revers de la médaille, il arrive souvent que l’élève moyen soit négligé. C’est le cas de Radu qui, au bout de quatre ans dans un établissement public bien coté de la capitale, a finalement choisi le lycée français Anna de Noailles. « Cela me coûte plus cher, concède son père, Dragoș Marinescu, avocat. Mais le système public d’enseignement n’arrive pas à assumer l’éducation de l’élève moyen. Il encourage à tout prix la performance scolaire au bénéfice des meilleurs. »
« Nombre d’enfants roumains n’aiment pas l’école, estime Irina Șubredu, psychologue et mère de deux enfants de 10 et 5 ans et demi scolarisés dans le privé à Iaşi. J’ai déjà eu affaire au système public, je le trouve anachronique, il étouffe la créativité », soutient cette mère qui débourse désormais 550 euros par mois pour les frais de scolarité de ses enfants.
Alina Cibea est médecin pédiatre à Bucarest et mère de deux filles de 10 et 12 ans. Elle investit en moyenne 300 euros par mois dans leur éducation, notamment pour les cours privés. « Je suis toutefois contente des professeurs de mes enfants et du niveau d’enseignement dispensé dans le public », dit-elle, tout en avouant qu’il faut parfois mettre la main au portefeuille pour combler certains manques. « Afin de fonctionner plus ou moins convenablement, l’école publique a besoin du soutien financier des familles », confirme Iulian Cristache, président de la Fédération nationale des associations de parents d’élèves.
De fait, l’éducation roumaine est la plus pauvre d’Europe : l’État ne dépense que 824 euros par an et par élève, bien en dessous de la Norvège (4000 euros), du Royaume-Uni (3300 euros), ou même de la Bulgarie voisine (environ 1000 euros). Et même si les salaires des enseignants ont été augmentés de 15% depuis le 1er février, ce sont surtout les investissements dans les infrastructures et les élèves qui manquent cruellement. Les enfants de 2 à 18 ans se voient verser mensuellement une allocation de 18,5 euros à laquelle s’ajoute parfois, en fonction de leur situation familiale ou des résultats scolaires, une bourse d’études dont le montant varie selon le budget des municipalités locales. Si une école du 2ème arrondissement de Bucarest récompense les bons résultats par 88 euros mensuels, une autre, par exemple à Sebeș, petite ville située à 17 km au sud d’Alba Iulia, ne disposera que de 18 euros. Car l’enveloppe réservée à chaque école dépend aussi du nombre d’élèves. « Les écoles des grandes villes sont surpeuplées, alors qu’à la campagne, elles sont presque abandonnées et cruellement sous financées », ajoute Iulian Cristache.
Une réalité aux graves répercussions, avertit le sociologue Adrian Hatos. « Cette hiérarchie des écoles selon des critères aléatoires conduit forcément à une discrimination vis-à-vis de certains enfants. Or, le but de l’école est aussi de former des citoyens dotés d’une bonne estime de soi, et qui ne se résigneront pas devant l’échec. »
Mais pour l’instant, c’est aux parents et aux professeurs de se serrer les coudes afin d’assurer une éducation correcte aux enfants et adolescents. Dans plusieurs collèges, des classes payantes avant ou après les cours permettent aux élèves de faire leurs devoirs assistés par un enseignant. Une solution adoptée par Costinela Carane, mère de Diana, 13 ans : « Cela me coûte environ 240 euros par mois, soit 25% de mes revenus mensuels, mais les résultats sont encourageants. »
En privé
Un peu plus de 100 000 enfants et adolescents fréquentaient l’année dernière le système privé en Roumanie, selon des données du ministère de l’Enseignement. La plupart habitent Bucarest, Constanţa, Cluj et Iaşi. Chaque année, leurs parents paient des frais de scolarité allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros. À titre d’exemple, le lycée privé le plus cher de Bucarest coûte environ 20 000 euros par an. Selon le budget 2017, ce système privé se verra octroyer 25 millions d’euros, une enveloppe qui lui permettra, selon ses représentants, d’investir davantage dans les équipements et les salaires, sans pour autant baisser les frais d’inscription.
Ioana Lazăr (mars 2017).