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Entretien réalisé le mercredi 19 février en fin d’après-midi, par téléphone et en roumain.


Octavian Berceanu est expert en politiques publiques liées à l’environnement. Il explique ici la problématique de l’importation de déchets illégaux sur le territoire roumain…

En quoi l’adhésion à l’espace Schengen constitue une mauvaise nouvelle quand on parle de déchets illégaux ?

Jusqu’à présent, de nombreux chargements illégaux étaient renvoyés dans leur pays d’origine, ils ne rentraient pas dans le pays. Sans contrôle douanier, ce ne sera plus le cas. Avant janvier, il y avait chaque jour des centaines de camions qui repartaient. Désormais, si un chargement est découvert à deux kilomètres à l’intérieur du pays, il appartient à la Roumanie de s’en occuper. N’importe qui peut donc abandonner ses déchets où bon lui semble sur notre territoire. Certes, nous pourrions neutraliser ces déchets, c’est-à-dire les traiter et les éliminer, mais nous n’en avons malheureusement pas les capacités. C’est plus facile s’il s’agit de déchets textiles, plus compliqué lorsqu’il est question de déchets médicaux ou radioactifs qui peuvent être extrêmement nocifs. Vous ne savez pas ce qu’il y a dedans, il faut faire des analyses. C’est aussi très onéreux. Le coût de neutralisation d’une tonne de déchets relativement dangereux est d’environ 1000 euros, mais ça peut monter très vite, jusqu’à 100 000 euros pour des déchets radioactifs.

De quels types de déchets s’agit-il principalement ? 

En premier lieu, beaucoup de produits de seconde main, de l’électroménager, de l’électronique, des pneus usés, des vêtements aussi. Et énormément de voitures qui ne sont plus autorisées à rouler. Les estimations font état de 1000 voitures qui rentrent chaque jour dans le pays, beaucoup sont ensuite démontées. Prenez les intérieurs en plastique du tableau de bord, lorsqu’ils brûlent, c’est 4000 fois plus dangereux que du bois à quantité égale ; une pièce de 1 kg équivaut à 4 mètres cubes de bois. Ces chiffres proviennent de l’Institut de physique atomique de Măgurele. Certains déchets sont abandonnés, mais une bonne partie arrive dans des décharges illégales, ainsi que dans des décharges bien légales. Sans aucune traçabilité possible. Autres destinations privilégiées de ces déchets : à proximité des travaux d’infrastructures, des routes et autoroutes, partout où il y a des trous à combler. Il suffit juste d’aplanir ensuite au bulldozer. Dans des vallées aussi, et au bord des rivières.

Comment réagit la Garde de l’environnement ?

Le ministère de l’Environnement n’a pas prévu de système complexe de vérification en phase avec l’afflux de camions qui désormais passent la frontière sans problèmes. Les équipes disposent bien de quelques scanners mobiles, utilisables en dehors de l’espace de frontière, mais combien de camions peut-on arrêter chaque jour sur la route ? Les équipes sont faibles en effectifs et ne travaillent pas 24 h/24. La Garde de l’environnement compte seulement 450 commissaires dans tout le pays, c’est très peu. Et puis encore faut-il qu’il y ait une réelle volonté de stopper les abus. C’est souvent compliqué car les acteurs économiques de la filière sont liés aux politiques locaux et à la police. Quand j’étais à la tête de la Garde de l’environnement, durant quelques mois en 2021, j’ai envisagé de réaliser un système de suivi des déchets avec l’ONG Code4Romania afin que les informations parviennent en même temps à toutes les institutions, l’Administration fiscale comprise, car c’est un domaine où l’évasion fiscale est très importante. Je pense que cela aurait été vraiment utile. Mais la Garde de l’environnement n’en dispose toujours pas à ce jour, cela prend un temps fou. Certes, l’UE s’est mise à exercer davantage de pression sur notre pays pour ce qui est des déchets brûlés illégalement. Mais j’ai bien peur que pour ce qui est du reste, les pressions soient encore trop faibles. La pression médiatique est également trop faible. En tout cas, elle n’est pas à la hauteur de la complaisance dont bénéficie ce système mafieux de la part de la police et de l’appareil judiciaire.

Propos recueillis par Benjamin Ribout (19/02/25).

Notes :

Lien vers notre premier entretien avec Octavian Berceanu sur les eaux usées en Roumanie (« Regard, la lettre » du samedi 27 avril 2024) : https://regard.ro/octavian-berceanu/

Documentaire Recorder sur la mafia des déchets en Roumanie (avril 2024 – 30 minutes) : https://recorder.ro/video-pe-urmele-mafiei-gunoaielor/

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