Entretien réalisé le lundi 30 septembre dans la matinée, par téléphone et en roumain (depuis Iași).
Doyen de la Faculté d’hydrotechnique, géodésie et ingénierie de l’environnement au sein de l’université technique de Iași, Nicolae Marcoie se penche sur les mesures de prévention que devraient prendre les autorités pour limiter les dégâts provoqués par les inondations…
La Roumanie, en particulier sa partie orientale, est-elle plus exposée aux risques d’inondations que d’autres régions ?
Normalement, cela ne devrait pas être le cas. L’est de la Roumanie est traversé par deux grandes rivières, le Prut et le Siret, dont les cours ont été régulés. Lors des récentes inondations, qui ont notamment ravagé la commune de Pechea, ce n’est pas une crue du Siret qui a été à l’origine de la catastrophe, mais l’immense quantité d’eau provenant des pluies diluviennes, soit 200 litres d’eau par mètre carré, qui s’est déversée depuis les collines avoisinantes. Ne pouvant être absorbée par le sol, l’eau a submergé le village.
Est-il possible de prévenir de telles catastrophes ? Que devraient faire les autorités ?
Il faudrait tout d’abord une décision politique visant la mise en place d’aménagements hydrauliques complexes, dont des canaux, des digues, des retenues d’eau, des stations de pompage et d’évacuation. Après les inondations de 1970, qui ont provoqué d’énormes dégâts et de nombreuses victimes, un plan d’aménagement des bassins hydrographiques et de régulation des cours d’eau a été adopté par les autorités de l’époque. Et quand, en 1975, de nouvelles inondations encore plus importantes ont frappé le pays, une partie des travaux prévus avaient déjà été réalisés et ils ont fait leur boulot, limitant les dégâts. De la même façon, un nouveau plan d’ampleur devrait être mis en route, doublé de l’entretien des ouvrages laissés à l’abandon depuis trente ans. De ce point de vue, en Moldavie roumaine, le Bahlui est la rivière la mieux aménagée ; elle dispose d’environ 28 accumulations d’eau permanentes et non permanentes, et de deux polders – étendues artificielles de terre gagnées sur l’eau, ndlr – réalisés après 1989, qui peuvent retenir une partie des crues éventuelles. Cela afin de protéger la ville de Iași. Et, de fait, grâce à ces ouvrages, Iași est aujourd’hui à l’abri des inondations. De tels aménagements seraient possibles sur d’autres rivières, on se protègerait alors mieux contre les catastrophes. Mais en Roumanie, la prévention ne semble pas être le fort des politiques… Et quand le drame arrive, on ne fait que chercher des coupables. Or, si nous ne pouvons pas combattre les causes des inondations, nous pourrions tout à fait en mitiger les effets.
Le changement climatique est-il en partie responsable des inondations récentes ?
Absolument, il a aggravé l’intensité et l’ampleur des phénomènes extrêmes, ainsi que leur fréquence. De plus, la sécheresse dont a souffert la Roumanie encore cet été n’a rien arrangé, ne permettant pas aux sols d’absorber l’eau rapidement. À l’époque, lors de la réalisation des travaux d’aménagement que je mentionnais, on a fait certains calculs, mais je me demande s’ils sont toujours valables vu le changement climatique actuel. Prenez les lacs de retenue, dont celui de Bicaz… Ces réservoirs ont été construits sur la base de calculs prenant en considération le niveau des précipitations sur une certaine période. Suivant le débit d’eau, on a décidé des dimensions du lac et de la digue. Mais ces ouvrages ont été réalisés dans les années 1970… Or, aujourd’hui, on ne peut pas exclure une crue plus grande que celles envisagées alors. Du coup, de nouveaux calculs s’imposent. Et donc, probablement, de nouveaux travaux.
Propos recueillis par Mihaela Rodina (30/09/24).
Note :
Mercredi, la Roumanie a signé un accord avec la Banque mondiale d’un montant de 500 millions de dollars afin d’améliorer ses capacités de prévention et de réaction face aux catastrophes naturelles (source : economica.net).