Entretien réalisé le vendredi 18 octobre dans la matinée, par téléphone et en roumain (depuis Cluj-Napoca).
Informaticien et maître de conférences à l’université Dimitrie Cantemir de Cluj-Napoca, Dragoș Vana réalise tous les mois des graphiques reflétant le niveau de satisfaction des Roumains vis-à-vis du système de santé public. Alors que le secteur est une nouvelle fois secoué par un scandale de corruption touchant l’ancien ministre Nelu Tătaru, les chiffres témoignent néanmoins d’une certaine embellie…
Quelle est la source des données que vous utilisez pour vos graphiques ?
Les données proviennent du « mécanisme de feed-back des patients » mis en place par le ministère de la Santé en décembre 2016. Il s’agit d’un questionnaire comprenant aujourd’hui huit questions, contre dix à son lancement, et envoyé par texto aux malades lorsqu’ils quittent l’hôpital. Ces derniers sont notamment invités à dire s’ils ont été contents des médecins qui les ont soignés et des conditions hospitalières, si leur état de santé s’est amélioré à la suite de leur hospitalisation, s’ils ont été contraints de payer de leur poche les médicaments prescrits, et, enfin, s’ils ont été sollicités pour des pots-de-vin par le personnel médical. Les données sont répertoriées par hôpital et département et sont consultables en ligne.
Que montrent vos graphiques ?
Ils montrent que ces dernières années, le niveau de satisfaction s’est amélioré dans tous les paramètres pris en compte. Le nombre de patients se disant contents des services médicaux et des conditions dans les hôpitaux n’a cessé d’augmenter depuis janvier 2017 et se situe autour de 80%. Pour ce qui est des dessous-de-table, le pourcentage de ceux affirmant que le personnel médical leur en a demandé est passé de 4% – du total des personnes ayant répondu au questionnaire, ndlr – à un peu moins de 2% en décembre dernier. Néanmoins, depuis janvier de cette année, il s’est produit quelque chose de curieux lorsque le ministère a décidé de joindre deux questions en une seule en ces termes : « Avez-vous été sollicités pour offrir des pots-de-vin et souhaitez-vous le rapporter au responsable anti-corruption du ministère de la Santé ? » … Cela a fait à nouveau bondir le pourcentage à 4%. Sur l’ensemble du pays, 1714 patients (soit 4,68% du total, ndlr) ont ainsi répondu « oui » à cette question en septembre, contre 640 (1,63% du total, ndlr) en décembre 2023. Les chiffres concernant la corruption varient toutefois selon les départements et sont plus élevés dans les régions les plus pauvres, notamment dans le sud du pays, à Teleorman, Giurgiu ou Ialomița. Inversement, les départements du nord et de l’ouest du pays, ainsi que celui de Iași, se portent beaucoup mieux. Ceci étant, on peut se demander si la question sur les pots-de-vin ne devrait pas être formulée différemment. Si le ministère était réellement intéressé par le retour des patients, il pourrait trouver une formule qui encourage davantage ces derniers à dénoncer la corruption. Par ailleurs, il est difficile de savoir si certains des patients ont proposé des pots-de-vin de façon volontaire, car ils seront évidemment réticents à s’auto-dénoncer.
Ces données sont-elles représentatives du système de santé dans son ensemble ?
Le ministère envoie environ 200 000 questionnaires par mois ; 40 000 sont remplis et retournés. On peut donc affirmer que les données rendent une image plutôt réaliste de la situation. 40 000 réponses, c’est beaucoup… En comparaison, un sondage pré-électoral est basé sur les opinions d’à peine un millier de personnes. Bien sûr, il est possible que sur un mois, seule une poignée de patients d’un hôpital réponde aux questions, ou qu’un petit département ne recense aucun cas de corruption, ce qui est peu vraisemblable. Mais la tendance au fil des mois et des années est claire.
Propos recueillis par Mihaela Rodina (18/10/24).