Entretien réalisé le mardi 14 novembre dans la soirée, par téléphone et en roumain.
Daniela Tontsch, présidente du Conseil national des personnes en situation de handicap en Roumanie (CNDR), dresse un tableau sombre de leur situation, à deux semaines de la Journée internationale des personnes handicapées…
Quels sont les défis auxquels sont confrontées les personnes handicapées en Roumanie* ?
Ces personnes sont invisibles, on ne les rencontre pas dans la rue, dans les transports publics, lors d’événements culturels ou autres. La plupart d’entre elles luttent pour leur survie, leur seul revenu étant l’allocation aux adultes handicapés qui ne dépasse pas 120 euros par mois. Elles n’ont pas accès à des dispositifs médicaux vitaux, ni à des services de santé indispensables, et sont aussi privées d’accès au marché du travail. Alors que des projets visant à ne plus les placer en institution sont en cours, il n’existe pas de service de soins à domicile ; les assistants des personnes handicapées sont des proches, le plus souvent les parents, et lorsque ces derniers sont trop vieux ou meurent, la seule alternative est de mettre ces personnes dans des centres de soins.
* Selon l’Autorité nationale de protection des droits des personnes handicapées (ANPDPD), en mars 2023, la Roumanie comptait 886 950 individus avec un handicap, dont 53,45% de femmes.
La Journée internationale des personnes handicapées sera marquée à travers le monde le 3 décembre, que se passera-t-il en Roumanie ?
Le 4 décembre, nous organiserons une manifestation à Bucarest et dans plusieurs villes afin d’exiger le respect de nos droits, car depuis des années, nous sommes invariablement en dernière position sur la liste des priorités du gouvernement. Les autorités ne trouvent jamais de fonds pour améliorer les choses, ni même le temps pour nous écouter. Nous avons remis au gouvernement une pétition qui regroupe quatre revendications importantes. Tout d’abord, une majoration des allocations, ensuite une modification de la formule en vertu de laquelle les retraites sont calculées, étant donné que le projet de loi en débat au Parlement nous est très défavorable ; le remboursement des dispositifs médicaux, notamment pour les grabataires qui ont besoin de chaise roulante, et enfin un plus large accès à l’espace physique et informationnel. Aujourd’hui, nous devons faire face à des obstacles à chaque pas, nous sommes privés d’accès y compris dans les institutions publiques, ce qui nous empêche même de participer à des débats sur la situation des personnes handicapées.
Bruxelles peut-il mettre la pression sur la Roumanie pour faire bouger les choses ?
La Roumanie, en tant que pays membre de l’UE, est tenue de transposer les directives européennes en la matière dans sa législation, mais ces textes restent le plus souvent lettre morte, car les personnes handicapées n’ont pas les moyens de protester ou sont trop absorbées par leurs difficultés quotidiennes. Afin de changer cela, nous avons récemment organisé des cours destinés à faire connaître les droits des personnes en situation de handicap au sein de l’UE. Le CNDR est membre à part entière du Forum européen des personnes handicapées, ce qui nous aide énormément, cela nous offre une tribune pour plaider en faveur du respect de nos droits. Il y a en effet des pressions sur Bucarest à cet égard, mais je constate avec amertume que nos gouvernants sont plus susceptibles de réagir à des pressions venant de l’extérieur qu’à celles émanant de nos rangs.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.
En complément, cet article récent du site hotnews.ro qui parle de la situation des femmes handicapées en Roumanie, mais aussi en République de Moldavie où des progrès ont été réalisés.