La rentrée scolaire démarre lundi. Quels sont les grands défis du système éducatif roumain ? Pour y répondre, Ciprian Fartuşnic, chercheur en sciences de l’éducation au Centre national des politiques et de l’évaluation du système scolaire (CNPEE)…
Quels sont les enjeux de cette nouvelle rentrée scolaire ?
Il y a d’abord beaucoup d’inconnues, les objectifs sont donc plus modestes qu’auparavant. On ne va pas tant chercher une croissance spectaculaire du développement des compétences, mais plutôt s’assurer qu’il ne va pas y avoir de pertes dans l’apprentissage. Comme le montrent nos études, nous avons un nombre significatif d’enfants accusant un certain retard scolaire. Cela concerne surtout les disciplines qui ont été laissées de côté, notamment dans l’enseignement primaire ; les professeurs ont beaucoup insisté sur le roumain et les mathématiques au détriment d’autres matières, comme le développement personnel, les arts, le sport… Dans le cas d’un retour à l’école en ligne, nous espérons que les professeurs seront mieux préparés pour éviter ces décalages. Nous allons d’ailleurs lancer cet automne la plate-forme CRED avec des ressources pour chaque discipline.
Quelles ont été les conséquences, positives et négatives, de l’enseignement en ligne ?
Le principal problème a été d’assurer un bon accès à Internet et aux équipements pour tous. Malgré le don de tablettes et d’ordinateurs, ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. La fracture numérique et éducative s’est accentuée entre les enfants avantagés et ceux qui le sont moins, notamment dans les zones rurales, où le risque d’abandon scolaire est plus accentué. Il y a toutefois des points positifs, les professeurs ont notamment dû repenser leur enseignement. Avec les élèves, ils se sont détachés du manuel et ont utilisé de nouvelles ressources ainsi que des outils qu’ils ont créés eux-mêmes. Et le manque d’interaction directe a permis à certains enfants d’acquérir des connaissances de manière autonome. Pour d’autres, il est plus difficile d’explorer seul s’il n’y a pas quelqu’un à leur côté. Culturellement, notre système fonctionne beaucoup sur le contrôle, les procédures… Or, la pandémie a montré que l’enfant a autant besoin de connaître les limites et les règles à appliquer que d’avoir cette capacité d’autonomie, qui doit être cultivée comme les autres compétences.
Précisément, comment développer l’autonomie et la créativité chez l’enfant dans un système académique ?
Dès la période post-1989, on a essayé de faire en sorte que le système éducatif soit moins basé sur l’accumulation d’informations que sur la compréhension et le développement personnel et professionnel. Cette dernière décennie, des propositions de cours ont mis l’accent sur ce que doit acquérir l’enfant dans ces domaines. Aujourd’hui, le défi est de mettre ces théories en pratique avec des professeurs habitués à une certaine méthode d’enseignement. Cela ne sert à rien d’apporter des équipements récents ou de rénover les écoles si les professeurs ne suivent pas. Mais il s’agit d’un processus qui prend du temps. Toutefois, on voit des changements. Par exemple, nous avons introduit une nouvelle discipline à l’école secondaire, l’éducation sociale, qui est axée sur les droits de l’enfant et la pensée critique, l’éducation inter-culturelle, civique et entrepreneuriale. Cette discipline fonctionne sous forme de projets concrets tels que comment réduire les accidents de la route dans son quartier. L’élève s’implique alors de manière active et créative, il s’interroge et trouve lui-même des solutions.
Propos recueillis par Marine Leduc.
À voir, la conférence TED sur l’éducation de l’auteur Sir Ken Robinson. Cette vidéo, qui date de 2006, a été vue plus de 70 millions de fois. Une démonstration remarquable toujours d’actualité et remplie d’humour :
https://www.ted.com/talks/sir_ken_robinson_do_schools_kill_creativity