Corina Constantin, directrice d’une compagnie qui recrute des travailleurs asiatiques, se penche sur l’évolution de son activité, en pleine croissance malgré la crise sanitaire…
La Roumanie pâtit d’une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, l’appel à des travailleurs étrangers est-il la solution ?
La demande d’ouvriers étrangers n’a cessé d’augmenter. En 2019 et 2020, le gouvernement avait fixé à 30 000 par an le quota de travailleurs venant de l’extérieur de l’Union européenne. Cette année, 25 000 permis de travail ont été délivrés au cours du seul premier semestre, poussant le gouvernement à majorer le quota à 50 000. Le manque de bras est notamment perceptible dans l’hôtellerie et la restauration, dans le bâtiment ou encore les services. L’industrie de l’hôtellerie-restauration manque de tout, de chefs, de serveurs, de personnel de nettoyage. Dans le bâtiment, les employeurs cherchent surtout des travailleurs qualifiés, dont des ingénieurs, la demande de personnel non qualifié ne représente que 10% du total. Les employeurs faisant appel à des travailleurs asiatiques, et qui recrutent notamment du Népal, d’Inde, du Vietnam, du Sri Lanka, des Philippines et plus récemment d’Indonésie, apprécient surtout la stabilité et la prédictibilité qui va avec. C’est pourquoi la plupart d’entre eux proposent des contrats allant de deux à six ans.
La pandémie a-t-elle compliqué les choses ? Et qu’en est-il des conditions de vie de ces immigrés en Roumanie, souvent décriées dans d’autres pays importateurs de main-d’œuvre ?
La crise sanitaire a effectivement tout compliqué. D’abord, les démarches pour l’obtention des visas prennent beaucoup plus de temps. Ensuite, les mesures de confinement en vigueur dans les pays d’origine empêchent souvent les candidats de participer aux entretiens d’embauche, ou de se rendre dans les institutions aptes à leur délivrer les documents nécessaires à leur voyage. Exemple, l’ambassade roumaine à Delhi a été fermée au plus fort de la pandémie en Inde, et des retards de jusqu’à trois mois sont actuellement enregistrés dans la délivrance de visas du fait de l’accumulation des demandes. Sans oublier que la fréquence des vols en provenance de ces pays a été réduite et que le coût des billets d’avion a augmenté. Les travailleurs venant des zones rouges doivent par ailleurs être mis en quarantaine, d’autant que la plupart sont originaires de pays où l’accès aux vaccins est encore limité. Heureusement, ils peuvent être immunisés rapidement, dès leur arrivée en Roumanie. Quant à votre question sur les conditions de séjour de ces immigrés, au fur et à mesure que l’importation de main-d’oeuvre s’est développée, des hôtels spécifiques ont été construits où sont hébergés les travailleurs hors-UE, offrant des conditions tout à fait correctes ; deux à six lits maximums par chambre avec un espace pour cuisiner, salle de bain, lumière naturelle, chauffage, etc. On remarque aussi que les employeurs qui importent un grand nombre d’ouvriers font souvent venir des chefs des pays respectifs. Et les salaires sont supérieurs au revenu minimum.
La Roumanie accueille-t-elle des réfugiés venant de zones de conflits ?
Il n’y a pas vraiment de politique d’intégration des personnes venant de zones de conflits. Ces individus auraient besoin de conseils et de séances d’orientation pour déterminer leurs aptitudes et le type d’emploi qui leur convient. Or, notre pays n’a pas d’expérience à cet égard. De plus, les réfugiés eux-mêmes préfèrent se rendre en l’Europe de l’ouest où les salaires sont plus élevés et les communautés regroupant des immigrés issus de leur pays d’origine plus nombreuses.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.