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Entretien réalisé le lundi 14 avril dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.


Directeur de l’Association pour la technologie et internet (ApTI), Bogdan Manolea se penche sur la régulation des réseaux sociaux, au centre d’une polémique entre la nécessité de limiter les dérives et le risque d’atteintes à la liberté d’expression, cela en pleine campagne électorale pour la présidentielle roumaine du mois de mai…

L’Union européenne a adopté en 2022 un règlement sur les services numériques, le Digital Services Act, applicable depuis février 2024. Que prévoit ce texte et pourquoi est-il important de sécuriser l’espace numérique ?

Ce règlement, qui met à jour des principes déjà évoqués dans la directive sur le e-commerce datant de l’an 2000, concerne tous les intermédiaires en ligne présents sur le marché européen, fournisseurs de services numériques au sens large, réseaux sociaux ou moteurs de recherche. Le texte met l’accent sur les très grandes plateformes, à savoir celles comptant plus de 45 millions d’utilisateurs, et énumère toute une liste d’obligations qui leur incombent afin de prévenir des risques systémiques. Parmi ces risques, je citerais ceux concernant la protection des enfants et des données personnelles, ou encore ceux liés aux processus électoraux. Ces plateformes portent également des responsabilités en ce qui concerne les contenus qu’elles accueillent, et sont tenues d’éliminer ceux contraires à la législation dès qu’elles sont notifiées par des utilisateurs ou les autorités compétentes.

Ce texte est-il appliqué tel quel en Roumanie ?

En vigueur en Roumanie comme dans les autres pays de l’UE, ce règlement a été complété par une loi, la numéro 50/2024, qui détaille les différents aspects de sa mise en application, les institutions responsables et les sanctions prévues en cas de non-respect. En plus des normes européennes, le législatif roumain a ajouté l’obligation pour les fournisseurs de services numériques de notifier les autorités, ce qui, à notre avis, n’est qu’une démarche bureaucratique, alors que le siège des plateformes ne se trouve pas en Roumanie. Il aurait plutôt fallu apporter davantage de clarté quant aux institutions compétentes et à leurs prérogatives. En l’absence de ces précisions, certaines d’entre elles se sont arrogé des compétences supplémentaires qui n’étaient pas prévues dans le texte européen, tandis que d’autres ne font rien car elles ne s’y retrouvent pas.

S’il est majoritairement entendu que l’espace numérique doit être régulé, une partie de la société civile s’inquiète des atteintes à la liberté d’expression émanant de l’application des normes européennes*. Où faut-il tracer la ligne pour prévenir d’éventuels abus ?

Cette ligne doit être tracée précisément là où le prévoit la Constitution roumaine, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’UE, qui soulignent que la liberté d’expression est un principe et un droit appartenant à tous les citoyens, sans toutefois être illimitée. Ces limites sont établies par des lois nationales et concernent notamment les discours de haine, les atteintes à la dignité des personnes, ou encore la sécurité nationale. La question est de savoir comment ces normes peuvent être transposées dans un système applicable également aux plateformes numériques, sans donner lieu à des abus. Sur ce point, le Bureau électoral central (BEC) et le Conseil national de l’audiovisuel (CNA) devraient connaître et tenir compte du principe de liberté d’expression aussi bien que de ses limites. Or, actuellement, suite notamment aux erreurs commises l’année dernière – lors de la campagne électorale pour le premier tour de la présidentielle, annulé par la suite, ndlr –, les autorités roumaines sont passées d’un extrême à l’autre. Souhaitant surtout montrer la valeur de leur travail, elles ne font que bloquer la liberté d’expression de certains utilisateurs, sans toutefois résoudre le problème de fond. Car au lieu de se pencher sur des cas individuels, les institutions devraient vérifier les activités coordonnées visant à influencer l’opinion publique – comme ce fut le cas lors de la campagne du candidat Călin Georgescu, selon la Cour constitutionnelle, ndlr. Mais cela ne semble ne pas être leur priorité. Une autre critique porte sur l’interprétation par le BEC du terme « acteur politique ». Le règlement européen dit clairement que les opinions personnelles ne sont pas concernées par les articles visant la publicité politique. Le BEC ne devrait donc pas sanctionner un utilisateur individuel postant une opinion politique. Il n’est peut-être pas simple de faire cette distinction mais des analyses au cas par cas s’imposent. Nous avions averti, lors de l’adoption de l’Ordonnance d’urgence no. 1/2025, que ce texte entraînerait des abus. Mon conseil aux utilisateurs se sentant lésés est de contester les décisions du BEC afin que de telles exagérations ne se reproduisent pas lors des prochains scrutins.

                                         Propos recueillis par Mihaela Rodina (14/04/25).

* Pour plus de détails, lire le communiqué de la coalition des « ONG pour le citoyen », dont l’ApTI fait partie : https://www.stareademocratiei.ro/2025/04/07/opiniile-politice-ale-utilizatorilor-de-retele-sociale-sunt-parte-a-libertatii-de-exprimare-mai-ales-in-campania-electorala/

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