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Entretien réalisé le mercredi 8 octobre en milieu de journée, par téléphone et en roumain.


Après une première discussion en juin 2021, Maria Florentina Iordache, spécialiste des questions de rétrocession des biens confisqués par le régime communiste, avocate au Barreau de Bucarest, fait le point sur les dernières nouveautés entourant ce serpent de mer de la société roumaine…

Quelles sont les estimations en matière de dossiers de rétrocession résolus ?

L’ANRP (Autorité nationale pour la restitution des propriétés, ndlr) est plutôt transparente, rien à dire de ce côté-là, les données sont clairement éditées sur leur site. 71 218 dossiers y sont enregistrés – ce qui n’englobe pas toutes les procédures de rétrocession en cours, ndlr –, environ 38 437 ont été résolus, le reste ne l’est pas, ce qui est conséquent. Le problème est que seulement 3522 dossiers sont actuellement au stade d’analyse, et c’est trop peu. La loi sur les rétrocessions est entrée en vigueur il y a déjà vingt-quatre ans… Beaucoup de gens qui ont fait leur demande auprès de leur mairie à l’époque ne sont plus en vie ; leurs héritiers ont repris le flambeau. Mais certains dossiers n’ont pas avancé d’un pouce. Et nombre de ces personnes, n’ayant pas obtenu gain de cause à la mairie, ont dû engager une procédure judiciaire. Sans oublier que le dossier doit aussi être transmis à l’ANRP. Ainsi, nous avons trois institutions qui se prononcent sur ces questions, avec des commissions différentes. Outre le fait de créer de la confusion, il n’y a pas assez de personnel et les procédures durent.

Le gouvernement vient par ailleurs de faire passer une ordonnance en février dernier visant à suspendre les dédommagements financiers… 

Oui, et c’est décevant. L’ANRP pouvait décider d’accorder une compensation lorsque le bien n’existait plus, ou lorsqu’une nouvelle construction était apparue sur le terrain en attente d’être rétrocédé. C’est aberrant d’avoir supprimé cet instrument, sans doute à cause de problèmes budgétaires. Pensez à tous ces gens qui se sont battus et ont enfin obtenu une décision favorable ; certains avaient même commencé à toucher leur compensation, somme qui ne vient pas d’un coup mais par tranches. Des compensations qui, de plus, ne correspondent pas aux prix du marché et sont sous-estimées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certaines personnes ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDO, ndlr) avec une décision célèbre qui, en 2023, a marqué une évolution positive : la décision Văleanu contre l’État roumain. Les réclamants ont obtenu 225 000 euros pour le préjudice moral subi. Il y est reproché à nos institutions la durée extrêmement longue de la procédure, ainsi que le montant du dédommagement considéré comme ridicule.

D’autres bonnes nouvelles pour les réclamants ?

Malheureusement, je ne vois pas vraiment de progrès sur ces questions ; c’est même pire depuis cette ordonnance de février. La seule éclaircie est cette décision du CEDO, mais encore une fois, cela vient de l’extérieur du pays. Ce type de décision a un caractère impératif, elle doit être obligatoirement appliquée, mais peu y ont recours car cela comporte un coût important. N’oubliez pas que les réclamants sont déjà engagés sur le front judiciaire roumain. Notre État a rendu les choses tellement compliquées… Sous le communisme, des biens en processus de rétrocession ont été loués à d’autres gens lesquels, en 1995, ont même bénéficié d’une loi leur permettant de les acheter. Parfois, le bâtiment tombait dans l’escarcelle d’un ministère. Cela a conduit à des blocages institutionnels, avec de nombreux immeubles qui se sont dégradés. Pour les anciens propriétaires, il s’agit là d’un drame et d’une énorme frustration. Ils ont vu les biens dans lesquels avaient vécu leurs parents dépérir. Je connais des familles qui vivent depuis vingt-quatre ans avec leur dossier sur la table de la cuisine.

Propos recueillis par Benjamin Ribout (08/10/25).

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