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Entretien réalisé le jeudi 18 septembre dans la matinée, par téléphone et en roumain.


Ioan Jelev, auteur de plusieurs ouvrages sur la protection de l’environnement et président par intérim de l’Académie des sciences agricoles et sylvicoles (ASAS), se penche sur le risque de désertification de vastes régions du territoire roumain…

Parler de désertification en Roumanie, un pays au climat tempéré continental, peut paraître étonnant. Qu’en est-il exactement ?

Il y a quelques années, certains experts préféraient parler d’« aridification », mais aujourd’hui on s’accorde de plus en plus à estimer que ce pays est bel et bien confronté à un processus de désertification. Selon la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification adoptée à Paris en 1994, la désertification couvre non seulement la dégradation des terres mais aussi les variations climatiques comme l’« aridification » de l’air ou la baisse des précipitations. En Roumanie, des zones relativement vastes, notamment du sud et de l’est, dont le centre de la Moldavie roumaine, sont les plus touchées. Le plus grave est qu’il s’agit surtout de régions agricoles importantes, traditionnellement considérées comme greniers à céréales du pays. Selon les chiffres dont nous disposons, 11,3 millions d’hectares sont susceptibles de devenir arides, risque considéré comme « extrêmement grand ou très grand » pour près de 7% de cette superficie. Le phénomène de désertification n’est pas nouveau, mais il s’est aggravé ces dernières années, alors que les périodes de sécheresse sont devenues plus longues et plus fréquentes.

La Convention des Nations unies pointe également du doigt les activités humaines, de quoi s’agit-il précisément ?

Je mentionnerais tout d’abord la déforestation massive, notamment en Moldavie roumaine, qui a affecté les versants des montagnes, modifié le régime des précipitations, et empêché la nature de réagir aux inondations. Ensuite, l’agriculture pratiquée de manière intensive, avec une surexploitation des terres, ou encore le pâturage excessif au printemps et en automne qui entraîne l’érosion des terres, surtout dans la région sous-carpatique. L’exploitation intense des ressources naturelles, les constructions en zones agricoles, le déversement de déchets et plus généralement la pollution contribuent à leur tour à la dégradation de notre espace naturel.

Y a-t-il des solutions pour stopper la désertification ?

On disait autrefois que l’homme devait être capable de maîtriser la nature, mais le monde scientifique a compris que cela n’est pas toujours possible. Ce que nous pouvons toutefois maîtriser sont ces activités économiques nuisibles, contraires au développement durable. Le but est d’une part de prévenir la désertification de nouvelles terres, et, d’autre part, de s’adapter au dérèglement climatique en mettant la science au service de la lutte contre ce phénomène. La Convention de 1994 appelle d’ailleurs les pays signataires à élaborer une stratégie à cet égard, et à mettre en œuvre des mesures pour diminuer les effets négatifs de la désertification. Les experts roumains ont rédigé une très bonne stratégie dès l’an 2000, mais le financement n’a malheureusement pas été à la hauteur, de sorte qu’une partie des mesures préconisées n’a jamais été traduite dans les faits. La première solution est le reboisement et la création de rideaux de forêts pour protéger les zones agricoles, fixer le sol, et bloquer l’érosion provoquée par le vent. Mettre en place des systèmes modernes d’irrigation est tout aussi important, en sachant que les cultures agricoles souffrent non seulement à cause du manque d’eau dans le sol mais aussi des températures élevées qui brûlent les feuilles et empêchent les plantes de respirer. Ensuite, il faut adapter les cultures traditionnelles aux nouvelles conditions climatiques pour qu’elles soient plus résistantes, et acclimater des cultures spécifiques à d’autres zones, y compris tropicales ou sous-tropicales. À la station de recherche de Dăbuleni, mise en place sur un terrain sableux, on trouve déjà des plantations de jujubiers, de figuiers ou encore d’amandiers, ainsi que des cultures de patates douces*. On peut désormais acheter de telles patates, originaires d’Amérique tropicale, produites par des agriculteurs roumains. Cela prouve qu’il existe des solutions.

                                   Propos recueillis par Mihaela Rodina (18/09/25).

* Lire notre précédent entretien avec Ștefan Nanu, directeur adjoint de la Station de recherche et de développement pour la culture des plantes dans le sable (SCDCPN) à Dăbuleni (« Regard, la lettre » du samedi 8 février 2025) : https://regard.ro/stefan-nanu/

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