Quitter un pays où l’on a passé des années ou voir ses amis en partir sont toujours des moments douloureux pour un expatrié. Parfois, on vient à peine de faire connaissance, le courant passe mais le siège de son entreprise à Paris, Londres ou Madrid coupe court à ce début de complicité. Il faut partir. Et, ailleurs, refaire sa vie. Quand il s’agit du même continent, on arrivera à se revoir, le temps d’un week-end. Mais lorsqu’un océan sépare… Le départ approche, une fête pour dire au revoir s’impose. Elle sera joyeuse et triste à la fois, on établit déjà une date approximative pour les retrouvailles. Pour celui qui part, toutes ces choses à faire empêchent de sombrer dans la nostalgie, mais pas complètement. Pour celui qui reste, c’est parfois plus dur : il, elle me manquera… Devrais-je moi aussi m’en aller ? Question récurrente, surtout quand on vit à l’étranger depuis longtemps. Puis le quotidien reprend le dessus, jusqu’au nouveau départ. Le mien ou le sien. Car toujours, l’ailleurs appelle l’ailleurs. Curieusement, retourner dans son pays natal est la dernière option. Vivre à l’étranger aurait donc quelque chose de plus palpitant, où que l’on soit, même en Roumanie, ce qui ne cesse d’être totalement incompréhensible pour les autochtones. Car vivre à l’étranger permet de se fondre dans le décor, les codes de comportement ne sont pas les mêmes, on s’autorise plus facilement à être soi-même. Puis les années passent et le pays étranger l’est de moins en moins. On comprend mieux son entourage et ses codes. L’envie d’aller voir ailleurs pointe de nouveau son nez – peut-être moins en Roumanie parce que tout est moins codifié. Partir afin de redevenir soi-même, perdu, parfois isolé, mais soi-même. Pour ne rien comprendre, se laisser porter par les premières rencontres, un quotidien tout sauf quotidien. Se sentir un peu déconnecté, alors qu’on nous demande de l’être en permanence. Ces nouveaux individus d’un pays encore inconnu posent un tas de questions, c’est agréable les questions, de parler de soi. Les pays passent, et on se demande où l’on atterrira, enfin. On a déjà une petite idée, mais qui sait. Evidemment, chacun a son histoire, sa vie de famille, son contrat de travail, mais l’envie que le voyage continue semble inaltérable. Même si le corps et l’esprit sont sans doute davantage mis à contribution qu’en restant toute sa vie dans le Loiret, ou ostréiculteur à Bouzigues – mon rêve inassouvi. Quoique… Les aventures au coin de la rue peuvent être immenses. Et celles d’un grand voyageur ennuyeuses au possible. Avoir des amis fidèles empêche précisément cette sorte de chute, ils sont des repères, nous rappellent qui l’on est. Où qu’ils soient, il faut savoir les garder.
Laurent Couderc (mars 2013).