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Entretien réalisé le lundi 22 septembre en milieu de journée, par téléphone et en roumain.


Mirela Neag, journaliste d’investigation au sein du média roumain Snoop, retrace l’affaire Georgescu jusqu’à la procédure judiciaire en cours…

En quoi cette suite très médiatisée de l’affaire Georgescu et le fait que lui et ses acolytes soient traduits en justice sont-ils essentiels pour l’avenir de la démocratie roumaine ?

On attendait de ce dossier effectivement très médiatisé qu’il apporte des preuves tangibles établissant à la fois un lien direct entre Călin Georgescu et la Russie d’une part, et d’autre part confirmant l’ingérence de Moscou dans la présidentielle de 2024 – raison pour laquelle le scrutin avait été annulé par la Cour constitutionnelle de Roumanie, ndlr. Cependant, rien de concret ne ressort sur ces aspects. On a davantage l’impression qu’il s’agit d’une enquête journalistique nourrie d’informations déjà révélées par la presse après le premier tour de novembre 2024. De fait, le dossier ne concerne que la période des 6, 7 et 8 décembre, immédiatement après l’annonce par la Cour constitutionnelle de l’annulation du premier tour. Il documente les agissements de Horațiu Potra, ancien légionnaire lié à une société opérant au Congo, et met en lumière le rôle des mouvements légionnaires roumains, jusqu’ici non inquiétés et qui avaient largement soutenu Georgescu*. Par ailleurs, il révèle aussi les failles des institutions. Jusqu’au 24 novembre 2024, l’État roumain semble avoir ignoré la popularité croissante de Georgescu et de ses soutiens, pourtant visibles sur les réseaux sociaux. Rien n’indique que les services de renseignement surveillaient sérieusement le phénomène. Autrement dit, la justice agit, mais un peu tard. Et l’avenir de la démocratie roumaine dépendra aussi de la capacité de ses institutions à ne plus rester aveugles face à de telles menaces. Ceci étant, malgré les imperfections de cette procédure judiciaire, à travers elle la Roumanie envoie un signal fort ; désormais, ces mouvances radicales ne seront plus tolérées.

* Sur l’histoire du mouvement légionnaire en Roumanie, lire cet article de la revue Polis.

Snoop a été au cœur des enquêtes visant le clan Georgescu. Qu’en avez-vous retenu ?

Les enquêtes ont révélé trois axes essentiels dans l’ascension de Călin Georgescu. D’abord, sa présence croissante sur les réseaux sociaux façonnée dès 2019 par la propagande russe, qui a servi de colonne vertébrale à sa campagne. Ensuite, l’appui indirect du Parti national libéral via une campagne TikTok conçue pour affaiblir le candidat d’extrême droite George Simion et avantager le candidat Nicolae Ciucă, mais qui a finalement propulsé Georgescu au second tour. Enfin, le soutien logistique et financier du mouvement légionnaire, qui a consolidé son influence. Ces éléments montrent à quel point la désinformation et la manipulation en ligne peuvent influencer les résultats d’une élection présidentielle dans un pays européen. Plus largement, cela traduit un déficit d’éducation et d’esprit critique, qui rend la société vulnérable aux manipulations. Malheureusement, aucune leçon ne semble avoir été tirée de cette expérience puisque de récents sondages placent encore George Simion (président du parti ultra nationaliste AUR, Alliance pour l’unité des Roumains, ndlr) et Călin Georgescu parmi les figures politiques les plus crédibles pour gouverner le pays.

Que souhaiteriez-vous dire aux Roumains qui se laissent facilement influencer par les déclarations qui stigmatisent et proposent des solutions simples à des problèmes compliqués ?

Il est difficile de trouver le bon message à leur adresser. Les Roumains sont surtout exposés à de courtes vidéos sur TikTok ou Instagram, souvent produites par des personnalités au passé douteux, sans aucune régulation, où tout peut être dit sans conséquence. Le problème est aggravé par une méfiance profonde du peuple envers les institutions, héritage de trente ans de corruption et d’incompétence. Même si le procureur général présentait des preuves irréfutables, beaucoup resteraient sceptiques. Dans ce contexte, notre rôle n’est pas de convaincre mais de montrer. Nous transmettons nos messages uniquement à travers nos enquêtes, où chaque affirmation repose sur des documents et témoignages solides. Le lecteur reste libre de croire qui il veut, mais nous avons la responsabilité de fournir des informations véridiques et d’intérêt public.

Propos recueillis par Charlotte Fromenteaud (22/09/2025).

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