Entretien réalisé le lundi 29 septembre dans l’après-midi, par téléphone et en roumain (depuis Chișinău).
En république de Moldavie, le 28 septembre dernier, le Parti action et solidarité (PAS) de la présidente Maia Sandu a obtenu la majorité absolue aux élections législatives avec 50,2 % des votes, lui assurant 55 sièges sur 101 au Parlement. Dans cet échange, l’analyste Ion Tăbârță se penche sur les défis à venir pour le PAS…
Quels ont été les ressorts de la victoire du PAS aux législatives moldaves ?
Personne n’avait prédit que le PAS parviendrait à reconquérir la majorité, les résultats ont été meilleurs que prévu. Certes, le parti a perdu huit sièges de député par rapport à ces quatre dernières années, mais en même temps, ce fut un mandat difficile avec de nombreux défis, et il a réussi à se maintenir au gouvernement, ce qui est une grande réussite. La principale explication du succès du PAS réside dans le fait que l’électorat pro-européen de la Moldavie a voté principalement pour cette formation. Ceci dit, les électeurs ont davantage voté pour poursuivre la voie européenne que pour le PAS en lui-même ; ils ont surtout senti qu’il était le seul parti de ce bord capable de franchir le seuil nécessaire de 5 % afin d’accéder au Parlement. Parallèlement, il faut noter que le PAS a mené une campagne électorale plus forte que celle du référendum d’octobre 2024 – lors duquel les Moldaves se sont prononcés en faveur de l’adhésion à l’Union européenne, ndlr. Au référendum, le parti avait mis l’accent sur les « visions » européennes, c’était assez abstrait. Là, ils ont abordé les mêmes messages d’intégration européenne mais aussi l’angle des peurs ou des pertes face au danger russe, en prévenant que s’ils ne sont pas élus, la Moldavie tombera sous l’influence de la Russie qui veut la maintenir dans une zone d’ombre géopolitique.
La popularité de la présidente Maia Sandu a-t-elle aussi joué ?
Oui, on peut dire que sa personnalité a également contribué à la victoire du PAS. Même si elle n’en est plus présidente, elle en reste la fondatrice et est toujours associée au parti. En général, en Moldavie, le vote des citoyens est déterminé par la personne qui dirige et incarne le parti. Dans le cas du PAS, les dirigeants Igor Grosu et Dorin Recean (le Premier ministre, ndlr) n’ont pas une cote de popularité très élevée. C’est une première de voir un parti gagner alors que ceux à sa tête ne sont pas si populaires auprès des électeurs. Il est clair que ces derniers ont voté le PAS pour aussi soutenir Maia Sandu, une dirigeante vue comme intègre et incorruptible, tout en restant simple, qui s’est battue sans relâche contre les oligarques. Grâce à elle, la Moldavie a pu jouir d’une image positive à l’international, notamment auprès des dirigeants occidentaux comme Emmanuel Macron et l’ancien président américain Joe Biden.
Quels vont être les défis du PAS pour ce nouveau mandat ?
Même s’il a obtenu la majorité, le PAS aura un mandat plutôt difficile. En 2021, le parti a gagné contre le régime oligarchique. Cette fois, ce fut contre la menace russe. Il s’agit d’un vote contextuel qui a joué en sa faveur. Ce ne sera peut-être pas le cas la prochaine fois. Car il est à noter que le parti a abordé son premier mandat de façon plutôt légère. La qualité des politiques et même celle de l’équipe ont laissé beaucoup à désirer. Durant cette période, ils n’ont pratiquement pas renouvelé leurs membres dirigeants, à quelques exceptions près, ce qui aurait pu améliorer la qualité de leur gouvernance. De plus, une série d’erreurs ont été commises, notamment en ce qui concerne le redressement économique. Le problème majeur est qu’au Parlement, le PAS n’a pas disposé d’un filtre susceptible d’améliorer la qualité de l’action gouvernementale. L’opposition était plutôt pro-russe et favorable aux intérêts des groupes oligarchiques, elle a donc recueilli la plupart des critiques. Hormis la société civile, peu de voix se sont élevées pour interroger de manière constructive les actions du PAS. Ces dernières auraient pu être différentes si le PAS avait eu une véritable opposition au Parlement, ou s’il avait eu un partenaire de coalition désireux d’améliorer la situation. Je veux croire qu’ils ont maintenant tiré les leçons de leurs erreurs et qu’ils vont se soumettre à une évaluation sérieuse. Il faudrait notamment, pour une démocratie saine, qu’ils s’ouvrent aux autres alternatives pro-européennes qui ne se sentent pas forcément entendues. Il y a une demande au sein de la société moldave pour un projet politique européen aux côtés du PAS, un électorat qui veut poursuivre la voie européenne mais qui ne se retrouve pas forcément dans le PAS.
Propos recueillis par Marine Leduc (29/09/25).