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Entretien réalisé le 7 mai en fin de matinée au bureau de l’association Roma For Democracy à Bucarest, en roumain.


Les menaces envers les minorités rom, juive et LGBTQ+ s’amplifient. Mais paradoxalement, de nombreux Roms ont voté pour le candidat d’extrême droite George Simion à la présidentielle de mai. Explications avec Alin Banu, directeur de l’association Roma For Democracy…

Quels types de menaces ont été proférées à votre égard et par qui ?

Pour nous, il est clair que les menaces ont pris de l’ampleur juste après les résultats de l’extrême droite au premier tour de la présidentielle de fin novembre 2024, par la suite invalidé. Plusieurs candidats de cette droite radicale encouragent l’apparition publique de mouvements néo-légionnaires* ou à caractère extrémiste. Mes collègues et moi-même avons reçu des menaces de mort via des vidéos en ligne et des messages sur les réseaux sociaux. Si bien que nous avons dû installer tout un système de sécurité dans nos bureaux, avec un bouton d’alerte qui permet à la police d’arriver en quelques minutes en cas de danger. Nous avons également déposé plainte, et plusieurs arrestations ont eu lieu. Malgré cela, les menaces ont continué et nous avons reçu une nouvelle série de messages violents avant le premier tour de la nouvelle élection du 4 mai dernier. Les instigateurs n’agissent pas de manière individuelle, ils sont au contraire très bien organisés. Ce sont des courants néo-légionnaires qui ont souvent des liens avec les partis ou les candidats d’extrême droite. Une enquête journalistique a démontré que certains de ces groupuscules, comme l’Unité 731, recrutent chez les jeunes, et parfois au sein même de ces partis.**

* Diverses enquêtes ont montré que Călin Georgescu, qui a terminé en tête du premier tour le 24 novembre 2024, est proche de mouvements néo-légionnaires. Ces mouvements sont inspirés des Légionnaires et de la Garde de Fer, mouvement fasciste roumain de l’entre-deux-guerres, à l’origine de la déportation de près de 300 000 juifs et roms en Transnistrie. (Ndlr)

** Le média indépendant PressOne a réalisé une enquête sur l’Unité 731 qui recrute des jeunes sur Telegram. Après sa publication, les journalistes ont également reçu des menaces de mort :

https://pressone.ro/exclusiv-tineri-romani-recrutati-pe-telegram-de-o-grupare-neonazista-din-republica-moldova-care-ii-indeamna-sa-ucida-subumani-si-sa-faca-trafic-de-droguri-pentru-cauza

Paradoxalement, des journalistes et associations ont pu observer sur le terrain que de nombreux Roms ont voté pour George Simion du parti d’extrême droite AUR (Alliance pour l’unité des Roumains). Comment l’expliquez-vous ?

Pour nous aussi, ce fut une surprise. D’habitude, ce sont les autorités locales qui dirigent et contrôlent le vote des communautés roms. Cette fois-ci, comme une grande partie de la population, beaucoup de Roms ont voté contre le système. Mais c’est compréhensible, car plus que d’autres, les Roms sont les premières victimes du système, surtout au niveau local. Quand on visite certains villages, les routes goudronnées s’arrêtent avant les habitations roms. Ils n’ont pas forcément d’actes de propriété et ne bénéficient pas de représentants locaux pouvant communiquer sur leurs besoins et leurs problèmes. Ils ont donc voulu exprimer leur révolte, mais ont été induits en erreur par un discours exaltant des héros nationaux soi-disant sauveurs et protecteurs, alors qu’en réalité, il s’agit d’une manipulation crasse qui joue avec les frustrations de la population. Une autre raison qui a poussé les Roms à voter George Simion est l’attachement aux valeurs traditionnelles, à la religion et à la famille. Ils ont associé le candidat d’AUR à ces valeurs, alors qu’ils ont perçu son opposant, Nicușor Dan, comme pro-européen et surtout pro-LGBTQ+. Dans les communautés traditionnelles, cela reste une question importante. Alors ils se dirigent vers la voie nationaliste et extrémiste, arguant qu’elle est la seule constituée de « vrais patriotes ». Pourtant, si un régime d’extrême droite arrive un jour au pouvoir en Roumanie, les Roms en seront les premières victimes.

Selon vous, pourquoi en Roumanie le fascisme n’est-il pas autant condamné que le communisme ?

Pour les Roms, tant le communisme que le fascisme ont été terribles. Le premier, parce qu’il a mis en place une politique d’assimilation et de négation de l’identité ; le second, parce qu’il a mené une politique d’extermination. Malheureusement, beaucoup en Roumanie ne voient pas les leaders fascistes tels que Corneliu Zelea Codreanu de la Garde de Fer comme des criminels. Ces électeurs sont avant tout révoltés contre le système, et à cause du manque d’éducation historique et d’éducation politique de façon générale, ils voient ces leaders surtout comme des antisystèmes. Par ignorance et colère, ils s’associent à ce genre de mouvements. J’ai parfois entendu dans les communautés roms des commentaires du genre « mais cela s’est produit il y a cent ans… l’histoire ne peut pas se répéter ». Or, nous savons bien qu’elle se répète souvent.

Propos recueillis par Marine Leduc (07/05/25).

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