Entretien réalisé le mercredi 21 juin dans la matinée, par téléphone et en roumain.
Tudor Pop est député USR (Union Sauvez la Roumanie) depuis 2016. Il est membre de la Commission santé et vice-président des Commissions de la jeunesse et des sports à la Chambre des députés. Il revient sur les propositions de loi qui visent à réglementer les jeux d’argent et de hasard…
Pourquoi proposer des lois qui visent à réglementer le domaine des jeux d’argent ?
Nous avons commencé à y prêter attention il y a environ deux ans, lorsque nous avons remarqué un nombre de plus en plus élevé de salles de jeux, avec des machines à sous ou des agences de paris concentrés surtout dans le milieu urbain. De même, nous avons remarqué une augmentation des publicités visant à les promouvoir, que ce soit dans l’espace public, à la télévision ou en ligne. Par ailleurs, nous observons un nombre croissant de joueurs dépendants qui demandent de l’aide. Car nous parlons ici d’une maladie, d’une dépendance extrêmement brutale. Le problème est que lorsque ces personnes veulent être aidées pour traiter cette dépendance, ils ne trouvent pas forcément de soutien adéquat. D’un côté, l’État propose peu d’assistance psychologique. De l’autre, il n’y a pas de réglementation pour protéger les personnes dépendantes ainsi que les jeunes générations qui perçoivent ce phénomène comme quelque chose de normal.
Quelles sont ces lois et où en est-on de leur implémentation ?
L’un de nos projets de loi souhaite éliminer les salles de jeux et de hasard situées au rez-de-chaussée des immeubles, ainsi que dans les communes de moins de 5000 habitants. L’idée n’est pas d’interdire ces salles, mais de limiter leur accès et leur exposition, étant donné qu’une personne dépendante échappe difficilement aux publicités ou agences, que l’on voit quasiment partout. Cette loi a été rejetée au Sénat au début du mois de juin, mais ce rejet n’a pas de caractère décisionnel. Elle sera à nouveau discutée à l’automne à la Chambre des députés. Il y a ensuite une loi proposée par USR et le PNL (Parti national libéral, membre de la coalition au pouvoir, ndlr) qui vise à interdire les agences de paris et les casinos près des écoles, en imposant une distance minimale de 300 mètres. Elle devrait aussi entrer en discussion à la Chambre des députés. Enfin, concernant les publicités, le PNL a proposé une loi pour interdire les publicités télévisées, et USR une loi pour les interdire dans l’espace public. Mais au printemps, les deux ont subi des modifications en commission qui les ont vidées de leur contenu. Je voudrais ajouter que le PSD (Parti social-démocrate, l’autre membre de la coalition au pouvoir, ndlr) a repris tous ces projets de loi pour en faire un paquet qui les englobe et l’a déposé au Parlement. En soit, ce n’est pas un problème, sauf que notre projet de loi a été rejeté au Sénat à cause de ce parallélisme législatif, invoquant la présence d’un autre paquet similaire. Techniquement, le paquet de lois du PSD est plus complet car il reprend tout ce qui est bon dans nos projets, et cela ne me dérangerait pas qu’il se traduise en loi, c’est le jeu de la compétition politique. Néanmoins, ma crainte est que si nos projets sont éliminés, le PSD laisse leur paquet dans les tiroirs, et que rien ne soit fait. Je compte toutefois suivre le sujet de très près.
Il existe pourtant déjà un organe de surveillance et de contrôle de l’industrie du jeu, l’Office national des jeux de hasard (ONJN, Oficiul Național pentru Jocuri de Noroc, ndlr)…
En effet, l’ONJN devrait s’occuper de tout cela en tant qu’organe de surveillance et de contrôle de l’industrie. Il devrait, par exemple, financer des études sur le phénomène, faire de la prévention et apporter une assistance aux personnes dépendantes. Sauf que ce n’est pas le cas. C’est une sinécure politique qui se promène entre les partis et sert surtout l’industrie des jeux. Il doit y avoir plus de contrôles de l’État et une meilleure autorégulation de la part de l’industrie. Par exemple, la loi n’autorise pas ces jeux aux mineurs, mais en réalité, surtout dans les petites villes, c’est tout à fait toléré. Même en ligne, il devrait y avoir plus de contrôles, avec plusieurs types de vérifications. Dans d’autres pays, c’est le cas. En Roumanie, que ce soit en ligne ou non, les vérifications sont quasi inexistantes.
Propos recueillis par Marine Leduc.
À lire ou à relire, notre précédent entretien sur le sujet avec le psychiatre Eugen Hriscu (« Regard, la lettre » du samedi 26 novembre 2022) : https://regard.ro/eugen-hriscu/