Iaşi est, selon une étude récente, la grande ville la plus calme de Roumanie. Petit tour de ses quartiers où l’on prend son temps, à l’abri du vacarme.
Un lundi midi à Moară de Vânt, un quartier à flanc de colline dans le nord de la cité moldave. Le bourdon de l’église « Petru et Pavel » interrompt le concert que poules et coqs donnent depuis l’aube dans les cours des maisons rustiques. Puis une vieille Dacia s’aventure dans les allées caillouteuses, permettant aux chiens de garde de prolonger l’entracte. « Ici, c’est un peu la campagne », résume un vieillard devant son portail. « On est rarement embêtés par le bruit et pourtant le centre-ville est à deux pas. » A deux pas, ou plus exactement à 700 mètres à vol d’oiseau…
Avec seulement 16% de sa population exposée de façon excessive à la pollution sonore, Iaşi est de loin la métropole la plus calme de Roumanie, selon une étude publiée en 2011 par la société Enviro Consult. A titre de comparaison, 85% des habitants de Bucarest supportent des seuils supérieurs aux 55 décibels admis par la législation en vigueur. A Constanţa, ils sont 76%, à Cluj, 64%, à Braşov et Ploieşti, 61%, et à Timişoara, 49%.
« Bien sûr, nos administrés ne sont pas complètement épargnés par le bruit », tempère Gabriela Chirica, en charge des questions environnementales à la mairie. « L’intensité sonore dépasse par endroits les 80 décibels en pleine journée », précise-t-elle. Il suffit d’arpenter les grandes avenues de la cité moldave, de longer ses voies ferrées ou de s’aventurer dans la zone industrielle pour s’en convaincre.
Mais les vastes oasis ne sont jamais très loin. Elles sont devenues emblématiques du rythme et de la qualité de vie des habitants de Iaşi. A l’instar du quartier Copou qui est le plus calme de la ville, d’après la carte de la pollution phonique établie par la mairie en 2007, conformément à la réglementation européenne. Peu de voitures, des arbres séculaires et le chant des oiseaux en fond sonore… « C’est l‘endroit rêvé pour flâner en amoureux », confirme un couple d’étudiants, dans une ruelle bordée de vieilles habitations aux façades ciselées. Copou abrite notamment un jardin botanique de 100 hectares, l’un des plus grands du monde, où les familles sont nombreuses à venir se détendre le week-end ou après une journée de travail.
Quand le piéton devient roi
Grâce aux fonds européens, la municipalité supervise aussi plusieurs projets contribuant indirectement à limiter le vacarme urbain. « Pour être honnête, ce n’est pas une priorité, concède Gabriela Chirica. Mais la lutte contre la pollution sonore est désormais un paramètre que nous prenons en compte. » Un système permettant d’atténuer le crissement des rames a par exemple été imaginé dans le cadre de la modernisation du réseau de tramways lancée il y a plusieurs années. Sur un total de 83 kilomètres de rails, la moitié bénéficie déjà de ce système et la mairie a annoncé, en janvier, avoir obtenu 20 millions d’euros supplémentaires pour réhabiliter 10 autres kilomètres.
La piétonisation du cœur historique répond à la même logique. Amorcée l’an dernier pour mettre en valeur plusieurs bijoux du patrimoine local, elle ouvre de nouvelles perspectives pour les promeneurs en quête de tranquillité. La moitié du boulevard Ştefan cel Mare a ainsi été interdite définitivement à la circulation et recouverte de pavés en granit qui redonnent tout son charme à cette artère mythique de la ville. L’autre moitié subira le même sort à partir de cet été.
« Ça devient l’enfer pour les automobilistes », rouspète toutefois Silvia, 28 ans, au volant de sa citadine. « On est obligés de faire de grands détours et on perd un temps incroyable ! ». Aux heures de pointe, d’énormes bouchons se forment en effet sur les itinéraires alternatifs proposés par la mairie. Ils s’ajoutent à ceux engendrés par plusieurs chantiers de voirie ouverts aux quatre coins de la ville.
Dans ce contexte, les nerfs des chauffeurs sont mis à rude épreuve. Les oreilles des piétons aussi. « La gène est provisoire », assure Gabriela Chirica. Dans quelques mois, la conseillère municipale devra proposer une nouvelle carte de la pollution sonore à Iaşi, comme la loi l’exige désormais pour les villes de plus de 100.000 habitants. « Je vais repousser au maximum l’échéance et attendre que la plupart de ces travaux soient finis, confesse-t-elle, sinon les résultats seront faussés. »
Les tilleuls, entre mythe et discorde
Un tronc massif, une coiffe touffue, des feuilles en forme de cœur… Le « tilleul d’Eminescu » attire promeneurs, amoureux et artistes depuis plus de 250 ans. Planté en plein milieu du jardin botanique de Copou, il doit son nom au célèbre poète du 19ème siècle qui, dit-on, y puisait son inspiration et cultivait le souvenir des ses années d’études à Vienne. Depuis cette époque, de nombreux tilleuls ont été plantés pour orner et ombrager les rues de Iaşi. Ils sont devenus le symbole végétal de la ville et l’expression de son romantisme séculaire. A tel point qu’y toucher peut s’avérer périlleux. Au début de l’année, les services de la municipalité ont ainsi essuyé les foudres de centaines d’habitants, après l’abattage de plus de 70 tilleuls sur la partie pavée du boulevard Ştefan cel Mare. Une colère qui a gagné la rue et les réseaux sociaux sur Internet sans pour autant porter ses fruits. Les spécimens en question ont bien été remplacés par des acacias japonais qui ne dépasseront pas deux mètres de hauteur.
Mehdi Chebana (mai 2013).