Toma Popovici, pianiste et professeur à l’Université nationale de musique de Bucarest, se penche sur l’importance de l’éducation musicale des enfants et sur le statut de musicien en Roumanie…
Selon vous, quelle place la musique devrait-elle occuper dans l’éducation des enfants et des adolescents ?
La même place que n’importe quel autre domaine qui forme un individu. Je ne suis pas un défenseur de l’hyperspécialisation, bien au contraire. Je pense que les arts, les sciences ou la philosophie s’entremêlent, et qu’on devrait enseigner la musique aux enfants d’une manière plutôt interactive. Il faudrait d’abord leur faire écouter de la musique, et non pas leur enseigner des notions de théorie. Mais pas toutes les familles peuvent se permettre une éducation musicale à leurs enfants. C’est une activité qui coûte cher et qui demande des sacrifices. À mon sens, l’école devrait s’en charger, mais d’une manière censée privilégier la créativité et l’approche individuelle. Quand je regarde mon public, je constate une faille entre l’ancienne génération qui fait preuve d’une certaine éducation artistique, et l’actuelle, que nous devrions mieux former.
Comment vivez-vous votre statut d’artiste en Roumanie ?
Je crois que partout dans le monde, les artistes mènent leur vie sous la coupe de l’incertitude d’un côté, et de la vocation de l’autre. Personnellement, j’ai vécu huit ans à Boston, aux États-Unis, et de retour en Roumanie, je fus touché de voir que le public me reconnaissait toujours. C’est l’avantage d’un petit pays comme le nôtre. En Amérique, un musicien qui ne joue pas peut tomber dans l’oubli au bout d’une semaine. En revanche, il y a un aspect qui me déplaît ici, les artistes s’obligent à être différents, à se réinventer tout le temps. George Enescu – compositeur roumain (Liveni, 1881 – Paris, 1955), ndlr – avait l’habitude de dire que « l’originalité n’est pas pour celui qui la cherche ».
Quel est votre but musical, ce que vous recherchez quand vous jouez ?
Difficile comme question. Pour faire court, je dirais que le but de ma musique est de sonder, de pénétrer et de déchiffrer le sens d’une partition afin de répondre à cette fameuse question qu’on nous posait tout le temps à l’école : « Qu’est-ce que le compositeur a voulu dire ? » De par tout ce que je peux représenter en tant que musicien, je dois rendre une partition accessible au public. Selon moi, un musicien classique est comme un traducteur, il doit traduire le message d’une œuvre.
Propos recueillis par Ioana Stăncescu.