Entretien réalisé le jeudi 10 mars au matin, par téléphone et en anglais.
Comment les personnes venues d’Ukraine peuvent rester légalement sur le territoire roumain ? Éléments de réponse avec Ștefan Leonescu, conseiller juridique à Jesuit Refugee Service (JRS Romania)…
Quelles sont les différentes options qui se présentent aux Ukrainiens pour rester et vivre en Roumanie ?
Ils peuvent d’abord demander l’asile, notamment ceux qui n’ont aucun document, et obtenir ainsi un hébergement gratuit, une assistance médicale, et 20 lei par jour pour se nourrir, le temps d’obtenir la réponse de l’Inspectorat général de l’immigration (IGI, ndlr) qui leur accordera ou pas le statut de réfugié. Cela s’accompagne cependant de quelques contraintes ; leurs papiers, s’ils en ont, sont confisqués le temps du traitement de la demande, qui dure environ trente jours. Ils ne peuvent pas non plus se déplacer en Roumanie ni en dehors du pays, et ne pourront plus demander l’asile dans un autre pays européen, ce qui n’est pas avantageux car la Roumanie n’est pas dans l’espace Schengen. Si la réponse est positive, ils ne pourront accéder au marché du travail qu’au bout de trois mois. Pour les Ukrainiens qui ne souhaitent pas demander l’asile, le gouvernement a annoncé une série de mesures le 7 mars leur permettant notamment d’obtenir un emploi sans visa, d’avoir une assistance sociale et médicale, et aussi d’inscrire leurs enfants à l’école. Le mécanisme de protection temporaire européen, annoncé par la Commission européenne le 4 mars, devrait également être mis en place, ce qui leur permettra de rester dans le pays.
Qu’en est-il de la mise en pratique ?
C’est bien la question. Je crains des inégalités en fonction des régions. À part d’élaborer des lois, on attend du gouvernement de penser comment elles seront mises en pratique. Mais en général, ce rôle est souvent laissé à la société civile et aux communautés. Par conséquent, cela ne fonctionne pas partout de la même façon. Il y a des chanceux qui ont déjà trouvé une place dans les écoles du côté de Brăila et de Tulcea, où il y a une minorité ukrainienne, mais aussi russe, les Lipovènes, qui les ont accueillis. Dans d’autres parties du pays, ils vont peut-être devoir attendre des mois avant d’avoir une place dans une école. C’est ce genre de problèmes qu’on essaie de résoudre à notre échelle et de signaler aux autorités.
Et pour les citoyens ukrainiens qui ont fui la guerre ?
Nous devons voir s’ils peuvent être inclus dans les mesures du gouvernement, ou ce mécanisme de protection temporaire européen. Nous essayons de sensibiliser les autorités sur ces personnes qui travaillaient ou étudiaient en Ukraine, et qui ne veulent pas ou n’ont pas forcément les moyens de retourner dans leur pays. Pour l’instant, ils ont un visa temporaire de cinq jours. Et il existe une procédure qui permet aux étudiants ukrainiens de s’inscrire dans une université roumaine sans retourner dans leur pays pour demander un visa. Quant aux autres, ils devraient aussi avoir la possibilité de travailler. On a un problème de manque de main-d’œuvre en Roumanie, il y a de la place pour ces gens. Malheureusement, je n’ai pas vu de signes de la part des ministères pour améliorer leur situation.
Propos recueillis par Marine Leduc.