Sebastian Lăzăroiu est sociologue, ancien conseiller présidentiel et ancien ministre du Travail sous le gouvernement d’Emil Boc. Dans cet entretien, il analyse les résultats des élections parlementaires de début décembre…
Une probable coalition PNL, USR-PLUS, UDMR sera-t-elle suffisamment solide pour gouverner le pays ?*
Elle est assez solide, même s’il y a beaucoup de partis. Avec seulement deux, cela aurait été plus simple. Mais le PNL et l’USR-PLUS ont à peu près le même électorat, avec le même type d’aspirations et d’intérêts, et ils s’accordent plus ou moins sur le même programme. C’est le cas aussi de l’UDMR. Depuis 2004, les Roumains d’origine hongroise ont presque tout le temps voté pour les réformes. Selon moi, les premières fissures au sein de cette coalition n’apparaîtront que plus tard. La première année, les choses se mettent en place, on s’occupe de s’installer dans ses fonctions, d’exercer le pouvoir sur le territoire. C’est comme une lune de miel, il y a beaucoup d’enthousiasme. Puis des jeux de pouvoir commenceront à surgir, certains vont tirer le tapis de leur côté, des sondages, des tendances vont modifier les attitudes. Il y a aussi un autre facteur d’instabilité : Florin Cîțu, proposé comme prochain Premier ministre. Il connaît bien la finance, mais n’a pas beaucoup d’expérience politique. Certes, il s’adaptera au fur et à mesure, mais ce sera difficile, il devra gérer deux crises, sanitaire et économique. Ou bien il se laissera guider par le PNL, par Ludovic Orban – l’ancien Premier ministre, ndlr – qui, bien sûr, essaiera de garder le contrôle. Mais ce dernier scénario est loin d’être idéal, on se rappelle des duos Dragnea-Grindeanu, Dragnea-Tudose et Dragnea-Dancilă.
Selon vous, l’opposition, menée par le PSD, pourrait-elle se renforcer davantage ?
Ce ne sera pas facile non plus pour le PSD, car il a désormais un concurrent. Les leaders d’AUR – formation nationaliste qui a obtenu plus de 9% des suffrages aux élections de début décembre, ndlr – sont de bons orateurs, ils ont déjà renoncé à leur rhétorique de campagne et sont devenus plus modérés. AUR pourrait d’ailleurs devenir plus intéressant pour l’électorat PSD, bien que ce dernier soit très à l’écoute des thèmes portés par AUR. Surtout, les nouvelles têtes exercent toujours un certain pouvoir d’attraction. Sans compter que l’électorat PSD a été déçu par le résultat des élections. Certes, le PSD attirera aussi dans ses filets des parlementaires d’AUR, notamment en fin de mandature. D’ici là, ces derniers essaieront plutôt de migrer vers le pouvoir, c’est-à-dire vers le PNL. La plupart des députés et sénateurs d’AUR, très similaires à ceux de l’ancien PPDD – le parti du populiste Dan Diaconescu, ndlr – ne s’attendaient pas à entrer au Parlement.
Comment le président Iohannis pourra-t-il aider le pouvoir en place à mener ses réformes ?
Ce sera plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Le président ne s’intéresse pas à ces petits jeux de pouvoir. Klaus Iohannis pense plutôt à ce qu’il lèguera au pays, d’autant que lors de son premier mandat, il n’a pas pu atteindre ses objectifs à cause d’un gouvernement et d’une majorité hostiles. Dans son agenda prédominent la réforme de l’État, de l’administration, la dépolitisation des institutions et la sortie de la crise. Et il a désormais une plus grande marge de manœuvre, bénéficiant du soutien de l’USR-PLUS.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
* Sur les partis mentionnés dans cet entretien :
PNL : Parti national libéral, centre-droit.
USR-PLUS : Coalition de centre-droit entre l’Union Sauvez la Roumanie et le Parti de la Liberté, de l’Unité et de la Solidarité, fondé par l’ancien Premier ministre Dacian Cioloș.
UDMR : Parti de la minorité hongroise.
PSD : Parti social-démocrate, principal parti de l’opposition.
AUR : Alliance pour l’Union des Roumains, formation nationaliste et traditionaliste qui revendique l’union de la Roumanie avec la République de Moldavie.