Quelle est la nature des relations stratégiques actuelles entre la Roumanie et l’Europe de l’Ouest ? Éléments de réponse avec Radu Albu-Comănescu, lecteur universitaire à la Faculté des Études européennes de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca…
À quoi ressemble la carte des amis stratégiques de la Roumanie en Europe de l’Ouest ?
Si l’on se réfère uniquement aux intérêts de sécurité et de défense, le partenariat stratégique conclu avec le Royaume-Uni en 2003 domine, bien que les investissements militaires soutenus par la France soient beaucoup plus importants que ceux d’autres pays européens. À noter aussi qu’un partenariat intéressant dans le domaine de la défense a été récemment conclu avec l’Espagne et l’Italie.
Quel est l’intérêt de l’Europe occidentale à développer des partenariats stratégiques avec la Roumanie ?
Au-delà de la localisation et des ressources militaires, nous sommes unis par une vision commune dans la définition des menaces et la volonté de renforcer les politiques de coopération propres à l’intégration européenne. Clairement, être vigilant vis-à-vis de la Russie est un souci commun. Et pour revenir au Royaume-Uni, son implication sur le flanc oriental de l’Europe s’accorde très bien avec l’idée de « Global Britain », le slogan post-Brexit concernant sa présence internationale. Parce qu’il en a la volonté et les ressources, le Royaume-Uni est en train de devenir un partenaire cohérent, crédible et dévoué dans le renforcement de l’OTAN*. Et il pourrait gagner en taille en tant qu’acteur international dans des zones sensibles comme celles de la mer Noire et de la mer Baltique qui font partie du grand arc des crises géopolitiques impliquant l’Ukraine, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
* L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est une organisation politico-militaire mise en place en 1949, destinée alors à contrer la puissance soviétique. Elle compte aujourd’hui 30 pays membres.
Qu’en est-il de la plate-forme des Neuf de Bucarest lancée en 2014 par plusieurs chefs d’État (Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie, ndlr) afin de coordonner des projets de sécurité conjoints ?
Cette année, les Neuf de Bucarest ont connu un premier succès en tant que groupement réunissant des États du flanc Est lors du sommet de l’OTAN à Bruxelles, en juin dernier. Conjointement avec les États-Unis, il en est ressorti une position commune de ces neuf pays pour que l’OTAN protège le flanc Est du continent européen de la Russie, une menace tout à fait réelle. Mais pour qu’elle devienne une plate-forme fructueuse, il reste à voir dans quelle mesure ses membres les plus hésitants s’engageront davantage ; la Hongrie et la Bulgarie entretiennent des relations intéressées avec la Russie, et la République tchèque n’est pas en faveur d’une action régionale visant à contraindre la Russie. Quoi qu’il en soit, il est clair que les pays baltes, la Pologne et la Roumanie, qui constituent en quelque sorte l’épine dorsale de ces Neuf de Bucarest, sont déterminés à renforcer leurs relations. Par ailleurs, il est important que la plate-forme dispose d’infrastructures pour faciliter des actions communes, même si la Roumanie est géographiquement un peu plus isolée du bloc balte et de la Pologne. C’est aussi la raison pour laquelle Bucarest souhaite un partenariat stratégique avec l’Ukraine et l’inclusion de l’Ukraine dans une sphère de coopération incluant la Turquie et la Pologne. Cela montrerait que les limites de l’Europe s’arrêtent ici, à la mer Noire. Et que la Russie n’a aucune raison de considérer l’Ukraine ou l’Europe de l’Est comme faisant partie de sa sphère d’influence.
Propos recueillis par Irina Anghel.