Après la mort du roi Mihai qui s’est éteint le 5 décembre dernier à l’âge de 96 ans, le temps est resté suspendu. Et peut-être que dans son départ, le monarque dit des choses aux Roumains, une dernière fois. Comme une suite à son discours du 25 octobre 2011 prononcé devant le Parlement, peut-être leur dit-il de prendre le temps de la réflexion et de regarder le chemin parcouru depuis la chute du régime communiste. Que si le monde va vite et demande d’aller toujours plus vite, il est bon de ne pas oublier d’où l’on vient, qui l’on est. Peut-être leur dit-il de rester fermes face aux attaques à l’état de droit, de ne faire aucun compromis. Et que les nouvelles générations sauront créer des relations plus équilibrées, plus mûres entre les différentes institutions du pays. À ceux qui n’ont pas encore su se retirer avec dignité, peut-être leur dit-il qu’ils devraient désormais s’occuper davantage de leurs enfants et petits-enfants afin de laisser la place à d’autres. Peut-être dit-il aux Roumains de respecter davantage leur voisin quel qu’il soit, au quotidien, que l’harmonie au sein d’une société commence par une simple attention, un simple sourire. Et qu’il y a des règles à respecter, même si la liberté demeurera l’une des valeurs fondamentales du pays. Peut-être leur dit-il de prendre davantage soin des plus faibles, de ceux qui n’ont pas pu ou pas su prendre le train de la modernité. Tout en cultivant leur esprit créatif et leur formidable talent d’adaptation. De ne pas se replier sur eux-mêmes mais de regarder vers l’Europe, cette grande maison qui les a accueillis il y a déjà dix ans et a aujourd’hui besoin d’eux pour réparer quelques fissures. Peut-être leur dit-il qu’après un siècle de vie, la Roumanie doit être fière de son histoire, que tous les peuples ont connu des moments sombres, tous les peuples ont souffert, tous les peuples ont leurs démons.
Laurent Couderc (décembre 2017).