À Bucarest, les indicateurs de la qualité de l’air ne sont pas bons, notamment en automne et en hiver. D’où vient cette pollution ? Oana Neneciu, directrice du Centre pour les politiques durables Ecopolis, décrit la situation…
Quel est le niveau de pollution de l’air à Bucarest par rapport à d’autres grandes villes européennes, et quelles sont les principales sources de cette pollution ?
Bucarest est la capitale la plus polluée de l’Union européenne, avec le coût social le plus élevé associé aux problèmes de pollution, soit 3004 euros par habitant et par année. Ce qui signifie que Bucarest perd 63 milliards d’euros par an en dépenses liées à la pollution. Donc, en plus du fait que la pollution nous rend malade, elle nous appauvrit. C’est sans doute dans le top trois des problèmes les plus aigus de la capitale. La pollution de l’air est strictement liée à la gestion des déchets, le manque d’espaces verts, et l’application et le contrôle déficitaires de la loi par les autorités locales. J’oserai même dire que la source principale de pollution à Bucarest est la corruption. Car, pendant des années, les magouilles ont pourri l’administration publique locale, sans parler des organismes d’inspection et de contrôle. C’est là que la chaîne vicieuse commence… À la corruption s’ajoute la gestion catastrophique des déchets à Bucarest, qui conduit à un stockage chaotique et à une incinération massive des déchets, d’où cette forte pollution de l’air. Sans parler de la construction chaotique d’immeubles au détriment des espaces verts. Bucarest est la ville européenne avec le niveau le plus bas d’espaces verts par habitant. On est à moins de 9 m² par habitant, alors que nous devrions avoir un minimum de 26 m² par habitant ce qui, bien sûr, ne fait qu’aggraver les effets de la pollution. Ajoutez à cela une circulation dense, des voitures anciennes et polluantes, un manque d’infrastructures décentes de transports en commun, le non-respect des règles d’organisation des chantiers, et l’absence de politiques urbanistiques et environnementales, telles que le péage pour les véhicules polluants, la systématisation de la ceinture urbaine, ou la mise en place de zones à faibles émissions. Autant d’éléments d’accumulation qui conduisent à la situation actuelle. Enfin, il y a deux aspects qui accentuent encore cette catastrophe environnementale, surtout pendant les mois d’automne et d’hiver : les systèmes de chauffage énergophages et polluants car très anciens, qu’ils soient centralisés ou individuels, et le phénomène de brûlage des déchets dans les localités autour de Bucarest. Bref, les sources de pollution sont nombreuses et généralement connues, mais les actions pour les combattre sont peu visibles, alors qu’elles ne sont pas très compliquées.
Précisément, de quels moyens disposent les autorités, notamment la Garde environnementale, pour intervenir et arrêter les activités à fort impact sur l’environnement ?
De mon point de vue, il y a déjà tous les moyens à disposition. Bien sûr, on peut toujours actualiser la législation, augmenter les amendes et améliorer les procédures, mais ce qui est essentiel est de consolider la collaboration entre les institutions, et surtout générer une volonté de résoudre les problèmes. Les institutions de contrôle doivent contrôler et sanctionner, et les autorités locales doivent mettre en œuvre des solutions pour réduire la pollution. Les mécanismes existent, ainsi que les solutions, comme le montre ce qui se passe dans d’autres pays européens. Ce qui manque, c’est le courage et la collaboration.
Où devrait commencer l’élaboration d’une stratégie pour améliorer la qualité de l’air à Bucarest ?
Par un aperçu exact de la qualité de l’air, avec l’identification des sources de pollution, et par l’étude de solutions existantes pour réduire au maximum chacune de ces sources.
Propos recueillis par Matei Martin.