Il y a quelque temps, j’ai rédigé un petit éditorial sur le besoin d’écrire, devenu exacerbé, encouragé par toutes ces nouvelles plateformes d’expression, les mails, sms, réseaux sociaux. Il était intitulé « Arrêtons d’écrire ». Peut-être le sujet m’obsède-t-il un peu, mais de la même façon je ressens – sans en être persuadé, le doute est souvent nécessaire – que nous parlons trop. Si le silence était davantage présent et accepté dans nos conversations, qu’il s’agisse de relations intimes ou de pourparlers diplomatiques, je voudrais me permettre de croire que les mots exprimés seraient plus justes, plus assumés, plus doux aussi. Comme le besoin d’écrire, le besoin de parler est d’abord un souci individuel, qui dans un premier temps ne prend pas en compte l’autre, celui qui va lire, celui qui va écouter. Je n’ai pas assez de place, ni l’autorité suffisante, pour disserter sur le plaisir d’écrire ou de parler. Ce plaisir peut cependant avoir des conséquences désagréables, voire graves. Alors que le silence… Certes, dans certaines situations, ne rien dire est un manque de courage. Parfois, se taire, c’est trahir, voire tuer. Mais le plus souvent, en ne disant rien, en écoutant seulement, ou en ne disant rien ensemble, l’esprit pourra enfin partir, libre. Il s’intéressera au sujet du moment, à celui d’il y a deux jours, trois semaines, quinze ans. Qu’importe. Alors la parole fera éventuellement son apparition, prudemment. Sans doute plus juste, plus assumée, plus douce après un tel voyage.
Laurent Couderc (juillet 2014).