Avec une expérience de 19 ans dans le bénévolat au sein de la Fondation pour le développement de la société civile (FDSC), qu’il dirige depuis 2007, Ionuţ Sibian est l’un des quinze représentants de la Roumanie auprès du Comité économique et social européen (CESE) basé à Bruxelles…
La pandémie a sans doute représenté un défi majeur pour les ONG en Roumanie, comment se sont-elles organisées ?
Comme pour tout le monde, 2020 a été une année difficile pour les ONG, nous nous sommes retrouvés dans une situation inattendue et nous avons dû réagir rapidement. Mais l’année dernière a aussi été marquée par une grande vague de solidarité. Dès mars, les ONG ont fait appel aux Roumains et aux entreprises afin d’obtenir des parrainages et des dons, à un moment où l’État, mal préparé devant la pandémie, avait du mal à s’organiser. Elles ont aussi cassé leur tirelire afin d’acheter des masques et des équipements de dépistage du coronavirus, elles ont approvisionné les hôpitaux en ventilateurs ou les ont réparés. L’essentiel des fonds dont elles disposaient a permis de compenser le manque de financement de la part de l’État. Plusieurs associations ont fait les courses pour des personnes âgées ou malades, d’autres sont venues en aide aux écoles et fait don d’équipements pour permettre à quelque 400 000 élèves en difficulté de suivre des cours en ligne. Elles ont également conclu des accords avec les fournisseurs d’équipements et de réseaux informatiques, compensant là encore les défaillances des autorités. Au cours des deux seuls premiers mois de la crise sanitaire, les ONG roumaines ont recueilli plus de 30 millions d’euros qu’elles ont mis à disposition des communautés, du système de santé et des services sociaux.
Les besoins des catégories vulnérables étaient déjà importants, avez-vous dû abandonner certains de vos projets pour parer au plus urgent ?
Si les ONG ont en effet été confrontées à de nouveaux défis, elles ont aussi dû continuer les projets en cours. Par exemple, celles qui gèrent des centres d’accueil pour les personnes handicapées ont fait l’impossible pour se procurer des désinfectants et des équipements de protection, car les travailleurs sociaux rechignaient à poursuivre leur activité. Idem dans les hospices et les centres de soins palliatifs, les hôpitaux publics ayant refusé de prendre en charge certains malades, dont ceux atteints de cancer. Les ONG qui accueillent des personnes handicapées ou sans-abri ont donc continué à faire leur travail malgré les coûts supplémentaires que cette crise a engendrés. Ce fut un stress extraordinaire. Une situation particulièrement difficile concerne la violence domestique, un phénomène qui a explosé partout en Europe. À Bucarest, au début de la pandémie, l’ancienne administration municipale a fermé un centre d’accueil pour les femmes et les enfants, il a fallu coûte que coûte trouver des solutions pour offrir un abri à ces personnes.
Quelles sont vos principales inquiétudes pour 2021 ?
Tout d’abord le financement, car une grande partie des ONG était financée grâce au parrainage des entreprises, or les revenus de ces dernières ont beaucoup baissé. Je pense que l’État devrait intervenir, peut-être en consacrant aux ONG une partie des fonds mis à disposition dans le cadre du plan européen de résilience. Un autre défi est lié à la bureaucratie et à la législation, qui devraient être simplifiées. Ensuite, il y a la fatigue, celle des travailleurs sociaux, ainsi que le manque de ressources humaines. Il faudrait attirer davantage de jeunes et leur faire comprendre que le secteur non gouvernemental est une chance non seulement en termes de rapports humains, mais aussi de carrière.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.