Le 27 septembre dernier, près de 48% des électeurs catalans ont voté pour les partis en faveur de l’indépendance de la Catalogne. Et la répartition des sièges est ainsi faite que cela leur permet d’être majoritaires au sein du Parlement régional. La suite ? Toujours plus de pression sur Madrid afin d’obtenir davantage que l’Estatut d’autonomia, pourtant renforcé en 2006 : l’indépendance totale. Certes, la Catalogne est diverse ; à Barcelone, une nette majorité ne souhaite pas se détacher de l’Espagne. Mais le courant indépendantiste est fort, indéniable, il a notamment été alimenté par un pouvoir central obtus qui ne sait que brandir la Constitution. En septembre 2014, quand les Ecossais lancèrent leur propre référendum sur l’indépendance – le non l’avait alors emporté –, les Tories londoniens avaient fait preuve d’un peu plus d’ouverture, conscients des sensibilités. Car rarement en Europe les mouvements séparatistes ont été aussi virulents – hormis l’action terroriste de certaines organisations telles l’ETA basque, active surtout dans les années 1970, qui a déposé les armes depuis 2011. Si les racines de ces revendications sont nombreuses, la raison économique prédomine souvent… « On s’en sortira mieux sans avoir à payer pour les autres », dit-on tout bas, ou tout haut. En Ukraine, c’est un peu différent, il s’agit surtout de ferveur patriotique, et d’histoire – lire notre petit point sur la situation page 57. Et en Roumanie, les propositions de l’UDMR, le principal parti de la minorité hongroise, n’ont jamais inclus l’indépendance mais simplement plus de décentralisation et de reconnaissance culturelle. Certaines demandes de type régionaliste sont tout à fait légitimes. Par contre, indépendantisme ou séparatisme rime indéniablement avec nationalisme, de façon plus ou moins prononcée. Face aux dilemmes et à la force de ces particularismes dans un monde qui se veut global, un temps d’arrêt s’impose peut-être, un temps de réflexion, un temps pour la mémoire. C’était il y a 70 ans, seulement 70 ans. A cause d’un nationalisme terrifiant, l’Europe sortait meurtrie de la Seconde Guerre mondiale. Sans doute marqué par la lecture récente de Kaputt du correspondant de guerre italien Curzio Malaparte, je me dis qu’il faudrait se rappeler davantage, encore et toujours. Et reprendre aussi les principes fondamentaux de la construction européenne, notamment celui de subsidiarité qui évoque si intelligemment l’équilibre faisable entre l’union et la diversité, entre un pouvoir central et le pouvoir local.
Laurent Couderc (octobre 2015).