Gabriela Bodea, maître de conférences en économie à l’Université Babes-Bolyai de Cluj, dresse le bilan d’une année difficile et évoque les défis à venir…
Comment définiriez-vous l’année 2021 d’un point de vue économique ? Quelles ont été les principales réalisations ? Et les échecs ?
L’année 2021 a été marquée par une grande volatilité. La plupart des entités économiques se sont heurtées à des difficultés importantes : réduction du nombre d’employés, tombés malades ou décédés à cause du Covid-19, baisse de la productivité et de la compétitivité économique, entre autres. Par ailleurs, le prix du brut a augmenté, les exportateurs ont eu du mal à tabler sur des contrats fermes, et le tourisme et les transports ont été fortement touchés par la crise en cours. La population a pour sa part été affectée par les restrictions sanitaires, utiles mais impopulaires. Dans ce contexte, les réalisations découlent, paradoxalement, de certaines de ces limitations ; je citerais le télétravail, le fait que le gouvernement a compris qu’il était de son devoir d’appuyer les compagnies qui ne peuvent résister sur le marché dans un tel contexte, la reprise du BTP avec, il est vrai, des prix à la hausse, et la croissance du secteur pharmaceutique. Cependant, il faut rappeler que la Roumanie occupe la dernière place au sein de l’UE en termes de compétitivité digitale (1), sans oublier la très lente campagne de vaccination qui s’explique sans doute par des raisons historiques et anthropologiques, et surtout une politique d’inclusion sociale sans substance.
(1) https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/policies/desi
Quels seront les principaux défis en 2022 ?
Il s’agira tout d’abord de maîtriser la crise sanitaire, surmonter la crise politique en tenant compte des intérêts nationaux, et recalibrer les engagements assumés dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR) (2). Il faudra appuyer la mise en oeuvre de ce PNRR par l’octroi d’aides aux secteurs à haute valeur ajoutée, ceux-là mêmes qui renforcent notre compétitivité, et aux domaines clés qui requièrent de la compétitivité, tout en tenant sous contrôle la dette publique, alors que le taux de change, défavorable au leu, va aggraver le déficit commercial.
(2) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_4876
Vous évoquez le PNRR, quels sont les domaines où des progrès pourraient se concrétiser dès l’année prochaine ? Et qu’est-ce qui va changer en Roumanie d’ici à 2026 grâce à ces fonds européens ?
Concernant le PNRR, la crédibilité politique et économique de la Roumanie est en jeu. Cela signifie que les projets inclus dans le PNRR doivent être solides et durables afin qu’ils soient menés à bien jusqu’en 2026. Le pays a notamment besoin d’une capacité technique et administrative moderne, numérisée et simplifiée, ainsi que d’une culture organisationnelle qui se conjugue avec la solidarité sociale. Aujourd’hui, nous pâtissons de politiques publiques difficiles à mettre en œuvre, d’une législation confuse et d’une énorme bureaucratie. Quant aux domaines qui ont le plus de chance de profiter de ces fonds, avec des résultats rapides, je mentionnerais les transports durables, la gestion des déchets, et le tourisme rural. Mais la crainte persiste que l’allocation des fonds soit entravée par la bureaucratie, alimentant la fausse illusion que l’argent viendra quoi qu’il arrive.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.