La petite localité de Lăpoșel (département de Prahova) n’est située qu’à une centaine de km de Bucarest, pourtant ses habitants doivent se rendre dans les villages voisins pour accéder à Internet. Mais à partir de ce printemps, ils pourront « naviguer » sans devoir quitter leur canapé grâce à un projet financé par des fonds européens.
On les dénomme « zones blanches », ces territoires défavorisés où le Net n’a pas encore tissé sa toile. Ce devrait être chose faite prochainement, en partie. Sur 3 265 km, elles pourront enfin bénéficier d’un accès à Internet à haut débit via le programme Ro-NET. « Les habitants de Lăpoșel sont impatients », déclare Dumitru Târlea, le maire de la commune de Lapoș dont dépend ce village de 400 âmes. « Tout est prêt, les équipements ont été installés dans une école désaffectée, les avis ont été délivrés… », ajoute-t-il.
Au total, 783 villages sur 2 268 toujours privés d’accès aux réseaux de communications ont été inclus dans ce programme dont la mise en place devrait s’étaler sur deux ans. D’un montant total de 69 millions d’euros, le projet a obtenu 57,1 millions de l’Union européenne. « Nous espérons qu’en mars, 99 localités où les travaux ont déjà été finalisés bénéficieront de Wi-Fi gratuit de la part du concessionnaire, notamment dans les écoles et les mairies », déclarait récemment le secréraire d’État au ministère des Communications Horaţiu Anghelescu.
Le Premier ministre Dacian Cioloș a de son côté promis d’intervenir auprès des autorités locales afin que tous les avis et permis requis soient délivrés rapidement : « Notre objectif est de voir finalisé l’ensemble du projet d’ici la fin de l’année. » Le concessionnaire est le groupe allemand Telekom – qui a repris en 2015 les opérateurs Romtelecom et Cosmote –, tandis que les équipements seront livrés par le Chinois Huawei. Le gouvernement, qui contribue à l’initiative avec 12 millions d’euros, a expliqué avoir choisi des localités où « la profitabilité de l’investissement est limitée et où il n’y a pas de projets de la part d’investisseurs privés pour installer une telle infrastructure dans un avenir proche ».
Sur ces 783 villages comptant 130 000 foyers, 400 000 habitants, 8 500 sociétés et 2 800 institutions publiques, 84 se trouvent dans le seul département de Vaslui, considéré comme « le » pôle de pauvreté en Roumanie. Parmi les autres départements ciblés par ce projet mais comptant le moins de « zones blanches » figurent Galaţi (un village), Prahova (cinq) et Ilfov (sept). « Ro-NET se propose de réduire les écarts en matière de communications électroniques et de promouvoir la concurrence. L’infrastructure à haut débit sera accessible à tous les opérateurs qui souhaitent fournir des services aux utilisateurs, ce qui devrait encourager les opportunités d’affaires », souligne le ministère.
Selon des statistiques européennes, la Roumanie accuse un retard important : en 2015, seuls 68% des Roumains avaient accès à Internet, contre une moyenne de 83% au sein de l’Union européenne. En outre, 32% des Roumains n’ont jamais navigué sur la toile, contre une moyenne de 16% dans l’UE. Et pourtant, d’après une étude réalisée par le Bureau roumain d’audit transmédia (BRAT), 56% des foyers sont connectés à Internet, alors que 35% n’ont toujours pas l’eau courante, seuls 36% ont une salle de bain et 32% l’eau chaude. Enfin, si près d’un village sur cinq est aujourd’hui privé d’accès à Internet, les habitants de plus de 800 villages avaient le choix fin 2014 (selon les derniers chiffres disponibles) entre trois opérateurs différents, un nombre en nette hausse par rapport à 2008.
Mihaela Rodina (mars 2016).