Elena Calistru est la présidente et co-fondatrice de l’association Funky Citizens, créée en 2012 pour « lutter contre l’apathie civique ». Voici son constat en cette fin d’année 2020…
Sur les dix dernières années, quels changements au sein de la société civile vous semblent les plus marquants ?
Je vois non seulement beaucoup plus de jeunes qui s’impliquent, mais aussi un changement d’ordre géographique. Si, il y a 10 ans, les principales associations et manifestations étaient dans les grandes agglomérations, on a vu ces dernières années davantage d’actions dans les petites et moyennes villes. Il n’y a qu’à voir le travail d’associations comme Forum Apulum à Alba Iulia, ou la vie associative très active d’une petite ville comme Făgăraș. Même si l’écart entre le milieu rural et le milieu urbain reste important, l’engagement dans certains villages est également de plus en plus perceptible, nous avons notamment pu l’observer avec notre caravane civique qui a parcouru le pays l’année dernière.
Vous travaillez avec des enfants et des adolescents. Comment s’impliquent-ils aujourd’hui ?
Les jeunes Roumains ont quasiment les mêmes intérêts que les adolescents des autres pays européens. Ils regardent les mêmes vidéos sur Youtube, ils sont intéressés par la protection de l’environnement et par l’éducation sexuelle, un sujet qui était tabou il y a peu. Bien sûr, la tendance à vouloir partir demeure. C’est un problème continu et structurel en Roumanie. Ce qui me ravit toutefois est de voir que beaucoup de jeunes, même ceux qui sont partis étudier à l’étranger, essaient de trouver des façons de s’impliquer en Roumanie. Lors des récentes élections, certains m’ont annoncé qu’ils étaient revenus pour être observateurs. Je pense aussi au groupe d’éducation civique « Her Time România », créé par des adolescentes, et dont la coordinatrice étudie en dehors du pays.
En quoi la législation électorale est-elle défavorable pour les étudiants et les jeunes urbains ?
Ils doivent avoir ce qu’on appelle un « viză de flotant » pour justifier de leur résidence s’ils ne vivent plus avec leurs parents, mais ce document peut être compliqué à obtenir. Cela montre le grand écart entre les institutions et une génération qui n’est plus habituée à faire la queue pour remplir des formulaires, avec des procédures très bureaucratiques. Pour ces jeunes nés dans l’ère numérique, tout ce processus pour un simple papier est absurde. D’autant qu’il faut se présenter avec le ou la propriétaire, qui n’habite pas forcément dans la même ville. Conséquence, ils préfèrent abandonner. Il faut donc changer la loi électorale, qui empêche de nombreux jeunes d’aller voter. Le vote par correspondance est disponible pour les Roumains à l’étranger, il faudrait l’appliquer au niveau national. On doit aussi pouvoir discuter du vote électronique, même si les experts expliquent qu’il y a des risques d’attaques, de fraudes ou de pannes. Enfin, il est devenu nécessaire d’avoir une administration publique davantage numérisée, et il existe des fonds européens pour cela, comme le plan de relance Next Generation EU.
Propos recueillis par Marine Leduc.
Note :
Pour plus d’informations sur les actions de l’ONG Funky Citizens, voir le lien suivant : https://funky.ong/