Entretien réalisé le vendredi 24 mars à midi, en français et par téléphone (depuis Galaţi).
Rencontre avec Dorina Moisa, directrice de la bibliothèque française Eugène Ionesco de Galaţi, la plus grande bibliothèque de langue étrangère en Roumanie…
Comment la langue française vit-elle à Galaţi ? Les jeunes y sont-ils sensibles ?
Depuis environ cinq ans, j’ai effectivement constaté que les jeunes sont de plus en plus intéressés par la langue et la culture françaises, notamment les lycéens qui choisissent de partir en France pour y étudier. Avant, ils partaient plutôt pour faire un master dans l’idée de trouver un travail sur place. Mais aujourd’hui, j’en vois beaucoup qui commencent à déposer leur demande afin d’intégrer des universités françaises dès la licence. Par ailleurs, les élèves de lycée fréquentent davantage notre bibliothèque, suivent des cours, et viennent aux projections de films français. Je pense que pour eux, la France représente un meilleur choix que d’autres pays. Peut-être aussi parce que depuis le Brexit, l’Angleterre offre moins d’opportunités. Ils se sont aussi rendu compte qu’ils avaient absolument besoin de connaître une deuxième langue étrangère. Certes, ils sont encore nombreux à étudier l’allemand, mais le français reste très intéressant pour eux.
Qu’aimez-vous particulièrement à Galaţi ?
C’est la ville où j’ai étudié et qui m’a rendue adulte grâce aux personnes que j’y ai rencontrées, notamment. Et ma vie ici a toujours été liée à l’histoire de la bibliothèque, je suis d’ailleurs restée à Galaţi pour cette bibliothèque. Beaucoup de jeunes partent, il n’y a plus beaucoup de vie culturelle. Mais je ne désespère pas qu’à l’avenir il y ait davantage d’étudiants. L’université a été rénovée, il y a eu beaucoup d’investissements pour la moderniser. Les étudiants ont par ailleurs accès à une nouvelle cantine et à plus d’activités.
Pourquoi êtes-vous si attachée à la bibliothèque française Eugène Ionesco ?
Une bibliothèque, ça vous aide à maintenir la tête au-dessus de l’eau, à garder le moral au milieu de tout ce qu’il se passe. C’est un refuge pour l’âme. On ne peut pas juger de l’efficacité d’une bibliothèque et justifier son existence par le nombre de lecteurs qui y viennent. C’est beaucoup plus que cela, c’est un état d’esprit. Elle doit continuer à exister pour cette raison. À chaque fois que j’y entre, c’est comme ma maison, une maison de livres. C’est peut-être égoïste, mais j’ai l’impression que tous les livres m’appartiennent. Et surtout, c’est un lieu de rencontres. J’y retrouve beaucoup de personnes, âgées ou jeunes. Des enfants et des adolescents que je n’aurais peut-être pas eu l’occasion de connaître autrement. C’est une bibliothèque très vivante. Si elle fermait, ce serait un peu de l’âme de la ville qui partirait.
Propos recueillis par Marine Leduc.