Entretien réalisé le jeudi 10 février en début d’après-midi, par téléphone et en roumain.
Vice-président de la Fondation Eco-Civica, Dan Trifu livre bataille depuis une vingtaine d’années contre la défiguration de Bucarest par les promoteurs immobiliers. Dans cet entretien, il fait le point sur les conséquences de la suspension il y un an par la mairie de Bucarest des plans urbanistiques d’arrondissement (PUZ), et évoque les risques pour la ville au cas où ces plans reprendraient…
Que s’est-il passé à Bucarest ces douze derniers mois ? Quels grands projets immobiliers ont-ils été gelés ?
Les chantiers légaux, corrects, sont allés de l’avant en vertu du plan urbanistique général (PUG, ndlr) de la mairie de Bucarest. Les projets arrêtés sont les PUZ de cinq des six arrondissements de la capitale en état de litige, et dont la mise en œuvre entraînerait la disparition de 600 hectares d’espaces verts. Ces plans promettent l’élargissement ou la modernisation de centaines de rues et de boulevards, ou encore la construction d’une trentaine de passages suspendus, le tout impliquant des expropriations qui coûteraient des sommes exorbitantes. Or, rien de tout cela ne sera jamais réalisé ; nous avons déjà de nombreux exemples d’immeubles de dix à quatorze étages érigés dans des zones de maisons, sur des espaces verts, sans que les rues n’aient été élargies comme promis.
Vous insistez auprès de la mairie pour que la suspension de ces plans soit reconduite. Que se passera-t-il dans le cas contraire ?
Si la justice a donné gain de cause à la mairie générale en ce qui concerne trois de ces PUZ, un risque majeur demeure pour le 2ème et le 5ème arrondissement ; au moins 80 hectares d’espaces verts sont sérieusement menacés. Je citerai les bords du lac Colentina, ou encore les péninsules du lac Floreasca-Tei, où des immeubles ont déjà été construits illégalement. Si jamais ces PUZ entraient en vigueur, la zone protégée autour de ces lacs passerait de 50 à 8 mètres de large. Ensuite, la zone boisée du 5ème arrondissement à proximité de la commune de Măgurele, qui aurait dû être préservée, est en danger immédiat car elle est visée par plusieurs promoteurs. De fait, le risque est énorme pour l’ensemble de la capitale. C’est pourquoi nous avons demandé à la mairie et au conseil municipal de reconduire ces suspensions en attendant le verdict définitif de la justice. Sinon, il sera impossible d’empêcher les promoteurs immobiliers de poursuivre leurs projets. Nous nous trouvons dans une situation critique, d’autant que la densité en hausse de la population se traduira par un trafic plus dense, engendrant une pollution qui aura un impact encore plus négatif sur la santé des habitants.
Dans ce contexte plutôt sombre, estimez-vous que les Bucarestois sont davantage impliqués dans la défense de leur ville ?
Pour l’instant, l’implication civique est assez faible, malgré la bataille menée par plusieurs ONG, mais je pense que cela changera lorsque le risque que les PUZ entrent en vigueur deviendra évident. Surtout, il faudrait que le conseil municipal comprenne qu’il a été élu pour défendre les intérêts des Bucarestois et non pas ceux des promoteurs immobiliers.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.