Entretien réalisé le lundi 23 mai dans la soirée, par téléphone et en roumain.
Dan Claudiu Degeratu, expert en politique de sécurité et ancien fonctionnaire au ministère roumain de la Défense, analyse la présence toujours plus intense de l’Otan en Roumanie…
Depuis mai 2021, la Roumanie abrite un centre de résilience de l’Otan. Quelle est sa mission ?
Le Centre euro-atlantique de résilience vise à développer au niveau national, mais aussi au niveau de la coopération avec les alliés, des stratégies et des politiques dans ce nouveau domaine de la résilience. En plus de sa mission principale de défense collective, et de ses missions de gestion de crise et de coopération en temps de paix, l’Otan a voulu ouvrir un nouveau chapitre de stratégies de résistance aux crises. La Roumanie y contribue désormais à travers ce centre qui fonctionne depuis un an au sein du ministère des Affaires étrangères (MAE, ndlr). C’est une sorte d’interface à la fois avec l’Alliance nord-atlantique et les pays partenaires. Dans le même temps, cette nouvelle structure cherche à diffuser en interne, au niveau des institutions, mais aussi de l’opinion publique des enseignements nécessaires et importants, des suggestions pour agir en temps de crise.*
* Au sein du Centre, plusieurs groupes de travail se penchent sur les thématiques suivantes : la résilience/résistance de la société face à tout type de menaces, la continuité gouvernementale, la résilience/résistance dans le domaine des nouvelles technologies, des services essentiels, des infrastructures de transport, et la résilience/résistance des pays voisins de l’UE et de l’Otan face aux attaques anti-occidentales.
Qui sont les spécialistes qui y travaillent ?
Il s’agit d’une structure interne du MAE incluant principalement des responsables du ministère. Elle comprend aussi une composante externe, avec des débats publics et des conférences de collaborateurs indépendants roumains et étrangers. Ils élaborent des études, font des évaluations, surveillent. J’ai également remarqué que le Centre publiait régulièrement des études de recherche. Certaines sont à usage interne, à la demande du gouvernement, d’autres sont publiques. Il est question principalement de documents d’orientation, de propositions, et de résultats de recherches.
L’Otan a aussi mis en place il y a quelques jours un nouveau groupe de combat en Roumanie afin de renforcer le flanc oriental de l’Alliance. Il s’agit d’environ 500 soldats sous commandement français, basés à Cincu (département de Brașov, ndlr)…
Effectivement, et ce nouveau contingent est très important. Il résout un objectif plus ancien d’intérêt stratégique afin que la Roumanie dispose d’une présence permanente de l’Otan sur son sol. Jusqu’à aujourd’hui, la présence militaire de l’Alliance n’était que temporaire, et uniquement à des fins d’entraînement, sur de courtes périodes. Avec la présence de ce groupe de combat qui atteindra probablement environ 1000 soldats, l’Otan procède en quelque sorte à un rééquilibrage entre son flanc nord et son flanc sud. Dans les Pays baltes et en Pologne, la décision de déployer de tels groupes de combat a été prise il y a dix ans. Cet outil n’existait pas en Roumanie, ni en Bulgarie. Dans le même temps, le soutien politique de la France, qui est la nation cadre et le coordinateur de ce groupe de combat, se confirme. Espérons qu’en juin, lors du sommet de l’Otan à Madrid, nous aurons dans la déclaration officielle l’approbation de la création de ce groupe, puis de son développement jusqu’à un millier de soldats, auquel s’ajoutera la contribution roumaine de plus d’un millier de militaires. Ce serait le signal politique le plus important pour les Roumains, la preuve que l’Otan prend très au sérieux sa mission de défendre la Roumanie.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
Pour plus d’informations sur le renforcement de l’engagement des armées françaises en Roumanie, retrouvez le communiqué de l’État-major des armées françaises :